(Mexico) Le Mexique a présenté jeudi une plainte contre l’Équateur devant la Cour internationale de justice (CIJ), après le raid policier contre son ambassade à Quito qui a provoqué la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays et un tollé international.

Dans sa plainte, Mexico demande que l’Équateur soit suspendu des Nations unies « jusqu’à ce qu’il présente des excuses publiques, reconnaissant les violations des principes et normes fondamentales du droit international », a déclaré lors d’une conférence de presse la ministre mexicaine des Affaires étrangères, Alicia Barcena.

Elle a ajouté que l’objectif était de « garantir la réparation du préjudice moral infligé à l’État mexicain et à ses ressortissants ».  

Des policiers se sont introduits le 5 avril dans l’ambassade du Mexique à Quito pour y arrêter un ancien vice-président équatorien accusé de corruption, Jorge Glas, qui s’y était réfugié.  

Le Mexique a immédiatement annoncé la rupture des relations diplomatiques avec l’Équateur et dit dans la foulée son intention de faire valoir devant la CIJ le caractère inviolable des représentations diplomatiques, établi par la Convention de Vienne de 1961.

Le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador a déclaré lors de la même conférence de presse que l’objectif était d’éviter qu’un acte similaire « ne se répète » ailleurs dans le monde.  

De son côté, le président équatorien Daniel Noboa a défendu la descente à l’ambassade comme étant nécessaire pour appréhender M. Glas parce qu’il présentait un « risque imminent d’évasion », affirmant qu’il était prêt à « résoudre tout différend » avec le Mexique.

Asile politique « illicite »

La CIJ, qui tranche les différends entre les États, a confirmé jeudi en fin de journée avoir reçu la requête. Ses décisions sont sans appel mais elle ne dispose d’aucun mécanisme permettant d’imposer leur application.

Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, a déclaré que la question de la suspension des pays de l’organisation « relève de la compétence des États membres ».

« Nous espérons vivement que les tensions entre l’Équateur et le Mexique seront réglées par le dialogue », a ajouté M. Dujarric face à la presse à New York.

Accusé d’avoir détourné des fonds publics destinés à la reconstruction de villes côtières après un séisme en 2016, M. Glas s’était réfugié en décembre 2023 dans l’ambassade du Mexique à Quito, avant d’y recevoir l’asile politique.

L’Équateur, qui s’est dit lundi disposé à « rétablir ses relations » avec le Mexique à condition que sa « souveraineté » soit « respectée », a estimé que l’asile politique accordé à M. Glas était « illicite ».  

Ce dernier, proche de l’ancien président Rafael Correa, a été conduit lundi à l’hôpital naval de Guayaquil, dans le sud-ouest de l’Équateur, en raison d’« un possible malaise » après avoir refusé de s’alimenter en prison pendant 24 heures. Le lendemain, il a regagné la prison de haute sécurité de Guayaquil.

Grève de la faim

M. Correa a affirmé mercredi que Jorge Glas, 54 ans, était en grève de la faim. « Il n’a rien mangé et fait une grève de la faim », a-t-il assuré sur le réseau social X.

L’ancien dirigeant socialiste (2007-2017) a été condamné par contumace à huit ans de prison pour corruption en Équateur et vit en exil en Belgique. Il fait part fréquemment en ligne de son opinion sur la situation dans son pays natal.

Le ministre équatorien du Travail a porté plainte jeudi contre M. Correa, l’accusant de « trahison » et demandant la suspension de ses comptes sur les réseaux sociaux pour avoir « exagéré la situation et publié des messages qui ont mis les militaires et la population civile dans l’angoisse ».

M. Correa a réagi sur X en déclarant : « Ne soyez pas ridicule, le seul qui a trahi le pays et mis en danger la sécurité de l’État est (le président de l’Équateur) Daniel Noboa ».

L’Allemagne a fait savoir jeudi qu’elle tentait de contacter l’ancien vice-président équatorien Jorge Glas, qui possède la double nationalité germano-équatorienne.

« Nous essayons d’établir un contact direct avec lui par l’intermédiaire des autorités équatoriennes », a indiqué une source au ministère allemand des Affaires étrangères. Les autorités allemandes suivent l’affaire « de très près », selon la même source.

Jorge Glas avait été condamné en 2017 à huit ans de prison pour avoir participé au système de corruption de l’entreprise de construction brésilienne Odebrecht et libéré en 2022 grâce à un recours en justice.

Le raid policier dans l’ambassade du Mexique a été condamné par les gouvernements de gauche d’Amérique latine, du Brésil au Venezuela, en passant par le Chili, mais aussi par l’Argentine du président ultralibéral Javier Milei, ainsi que par l’Organisation des États américains, l’Union européenne, l’Espagne et les États-Unis.