(La Calera) Sur les hauteurs de Bogota, un camion-citerne serpente entre les rues escarpées pour apporter de l’eau potable à la population de la localité de La Calera, soumise à des coupures quasi quotidiennes depuis février.

« Les habitants nous appellent lorsqu’ils se retrouvent sans eau », explique au volant Henry Diaz, employé de l’entreprise de service public locale Espocal, responsable de la distribution.  

Alertée par les coups de klaxon du camion, Clara Escobar, 36 ans, habitante du quartier de Flandes Alto, fréquemment touché par les coupures d’eau, vient remplir deux seaux.

« Il y a des choses que nous ne pouvons plus faire, comme par exemple laver la voiture, alors que nous vivons dans une rue boueuse », déplore-t-elle.  

« On se douche moins » et « on lave le linge [seulement] quand c’est nécessaire », ajoute Clara Escobar.

Conséquence du phénomène climatique El Niño et d’une baisse alarmante de ses réserves en eau, la capitale colombienne Bogota, qui dispose habituellement d’importantes ressources hydriques, met en œuvre dès ce jeudi, et jusqu’à nouvel ordre, des mesures de rationnement de l’eau potable.

D’autres grandes villes d’Amérique Latine, comme Montevideo, Mexico et Lima – qui ne disposent pas des ressources en eau de la capitale colombienne – ont souffert de pénuries d’eau ces derniers mois en raison d’El Niño.

PHOTO DANIEL MUNOZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

À La Calera, commune de 36 000 habitants dans la banlieue montagneuse de Bogota, les rationnements sont imposés depuis fin février.

L’immense agglomération, qui compte plus de huit millions d’habitants, sera divisée en neuf secteurs, avec une coupure d’eau tous les dix jours dans chacune de ces zones.

Ces mesures ont débuté jeudi matin dans un premier secteur, où l’eau potable est totalement coupée pendant 24 heures. Puis ce sera au tour vendredi d’un autre secteur et ainsi de suite, en épargnant les hôpitaux et les écoles.

Ces rationnements resteront en vigueur jusqu’à ce que les réserves d’eau de la capitale, situées pour l’essentiel dans les montagnes de la Cordillère orientale, à l’est de la ville, aient récupéré leur niveau normal, après un début d’année particulièrement sec et chaud.

À La Calera, commune de 36 000 habitants dans la banlieue montagneuse de Bogota, les rationnements sont imposés depuis fin février. 70 % de l’approvisionnement en eau de la petite ville dépend des gorges de San Lorenzo voisines, dont le débit a drastiquement diminué cette année.  

« Fardeau »

« Nous avions la possibilité d’y capter 23 litres d’eau par seconde », mais en raison des faibles précipitations ces derniers mois, le débit a été réduit « de 9 à 10 litres par seconde », explique le maire de La Calera, Juan Carlos Hernandez Arevalo.

Pour prévenir tout risque de pénurie, la mairie rationne l’eau potable depuis février en coupant le réseau environ quatre heures par jour et en réduisant le débit.  

Une situation qui exaspère Lorena Lee, propriétaire d’un salon de thé dans le centre-ville, et qui a dû, une nouvelle fois, renoncer à ouvrir son commerce le matin.  

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Une femme transporte deux seaux d’eau à La Calera.

« Il est évident qu’avec une pression d’eau très faible, il n’est pas possible d’utiliser la machine à café, car les chaudières risqueraient de brûler », gronde Lorena Lee, qui doit également décliner les commandes des clients venus déjeuner, faute d’eau pour cuisiner.  

De son côté, le maire affirme que les activités commerciales de la ville ont été affectées « à un degré moindre ».  

Avec les mesures mises en œuvre à compter de ce jeudi dans toute l’agglomération de Bogota, la situation pourrait bientôt empirer pour les habitants de La Calera.

« La situation est critique », a mis en garde mercredi sur X le maire de la capitale, Carlos Galan.

La Calera, qui achète environ 30 % de ses ressources en eau à Bogota, subira une première coupure d’eau totale le 18 avril.

Les habitants qui sont équipés de réservoirs sur leur toit sont plutôt confiants. Mais Lorena Lee, qui n’en possède pas, dit qu’elle n’ouvrira pas ce jour-là.

« Bien sûr, cela va me coûter un jour de vente et c’est un fardeau », dit-elle. « Parce que les frais de loyers et de service, eux, ne font pas de pause. »