(Rio de Janeiro) Le dernier débat télévisé entre Lula et Jair Bolsonaro a débuté vendredi avec de vifs échanges, les deux candidats à la présidentielle se traitant avec insistance de « menteur », à deux jours du second tour.

« Ce type est le plus grand menteur de l’histoire du Brésil », a lancé l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, 77 ans, dès les premières minutes du débat diffusé sur TV Globo, la chaîne la plus regardée du pays.

« Est-ce qu’il va falloir l’exorciser pour qu’il s’arrête de mentir ? », a rétorqué pour sa part le chef de l’État d’extrême droite.

« Il se prend pour le “petit père des pauvres” », a ajouté M. Bolsonaro, 67 ans, avant de traiter Lula de « bandit ».

« Je ne suis pas ici pour répondre (aux provocations) de mon adversaire, je suis venu pour parler au peuple brésilien », a déclaré l’icône de la gauche, qualifiant le président d’extrême droite de « déséquilibré ».

Ce débat a lieu lors de la dernière ligne droite d’une campagne souvent ordurière, pleine de coups bas et de désinformation massive sur les réseaux sociaux.

Métaphore avec le ballon rond

Lula a légèrement augmenté son avance dans le dernier sondage de l’institut de référence Datafolha, publié jeudi, avec 53 % des intentions de vote exprimées, contre 47 % pour le président d’extrême droite.

Un écart de six points, qui n’était que de quatre points la semaine dernière.

Fort de cet avantage, et si les sondages disent vrai, « Lula peut se contenter de jouer pour le match nul, alors que Bolsonaro doit gagner par plusieurs buts d’écart » lors du débat de ce vendredi, a estimé le chroniqueur politique Josias de Souza sur le site d’informations UOL, avec une métaphore sportive dont les Brésiliens raffolent.

 « La seule chose qui peut renverser la vapeur est le débat télévisé, 55 % des électeurs disent que c’est un moment important pour leur prise de décision. Le moindre dérapage peut être déterminant pour le résultat final », dit à l’AFP Felipe Nunes, politologue et directeur de l’institut de sondage Quaest.

Lors du seul autre face-à-face entre Lula et Bolsonaro, le 16 octobre, sur la chaîne Bandeirantes, les échanges avaient été moins agressifs qu’auparavant. Lors des débats d’avant le premier tour, réunissant d’autres candidats, les propos haineux avaient fusé de part et d’autre.

Au premier tour, le 2 octobre, Lula est arrivé en tête avec 48 % des voix, contre 43 % pour Jair Bolsonaro.

Mais le score du président d’extrême droite s’est révélé bien plus élevé que ce que prédisaient les sondages, lui donnant un certain élan pour la campagne de l’entre deux tours.

Deux couacs

Cet élan a toutefois été freiné par deux couacs majeurs : des déclarations malvenues du ministre de l’Économie Paulo Guedes, indiquant que l’augmentation du salaire minimum pourrait ne plus être indexée sur l’inflation, et l’interpellation rocambolesque d’un ex-député bolsonariste ayant blessé des policiers à la grenade.

Se sentant acculé, le président Bolsonaro, qui avait mis en sourdine ses critiques sur le système d’urnes électroniques, a trouvé un nouveau cheval de bataille cette semaine : la dénonciation d’irrégularités présumées dans la diffusion de propagande électorale à la radio.

Le Tribunal supérieur électoral (TSE) a rejeté la requête de l’équipe de campagne du chef de l’État, arguant qu’aucune preuve n’avait été présentée, ce qui pourrait constituer un « délit électoral » et une tentative de « déstabilisation du second tour ».

Selon les experts, M. Bolsonaro prépare le terrain pour contester le résultat en cas de défaite, alimentant les craintes d’incidents violents, à l’image de l’invasion du Capitole à Washington après la défaite de Donald Trump à la présidentielle américaine, en janvier 2021.

Un ex-conseiller du parti de Lula assassiné

Un ancien conseiller municipal du Parti des travailleurs (PT) a été abattu vendredi à Sao Paulo, deux jours avant le second tour de l’élection présidentielle, pour des raisons qui restent à déterminer, ont annoncé des membres du parti.

« J’apprends avec beaucoup de tristesse et d’inquiétude la nouvelle du meurtre du camarade Zezinho », a déclaré sur Twitter Jilmar Tatto, député élu du PT à Sao Paulo, ajoutant que le parti, auquel appartient le candidat Luiz Inácio Lula da Silva, suivra de près « ce crime et ses motivations ».

Le meurtre s’est produit à Jandira, une municipalité de la région métropolitaine de Sao Paulo.

Selon les médias locaux, Zezinho, né Reginaldo Camilo dos Santos, était candidat au poste de député fédéral lors des élections législatives qui se sont tenues le 2 octobre, parallèlement à la présidentielle qui voit s’affronter Luiz Inacio Lula da Silva et Jair Bolsonaro au second tour.

Zezinho, 51 ans, travaillait pour la campagne de Fernando Haddad, qui participera dimanche au second tour du scrutin pour le poste de gouverneur de Sao Paulo.

Le site d’information G1 a indiqué que le « soupçon initial » de la police porte sur une « vengeance politique », suite aux allégations que M. Zezinho avait soulevées sur un système de corruption présumé dans le bureau du maire de Jandira.

Le secrétariat à la sécurité de Sao Paulo a confirmé à l’AFP qu’« un homme a été tué par balle vendredi après-midi » et que des agents enquêtent sur l’incident, sans donner davantage de détails.

M. Tatto a déclaré au journal O Globo que « tout indique qu’il s’agit de l’action d’un pro-Bolsonaro dans le climat d’intolérance qui règne dans le pays ».

Tout au long de la campagne, le Brésil a enregistré près de deux épisodes de violence politique par jour au cours des deux mois précédant le premier tour, selon un rapport des ONG Justiça Global et Terra de direitos.

Entre le 1er août et le 2 octobre, 121 cas ont été enregistrés au total, dont des meurtres, des attentats, des menaces ou des agressions (physiques ou verbales).