(Rio de Janeiro) Le long du front de mer, des propriétaires de voitures de luxe saluent en klaxonnant un homme qui vend des drapeaux brésiliens face au quartier où Jair Bolsonaro a vécu avant de devenir président.

A Barra da Tijuca, quartier aisé situé à 30 km à l’ouest du centre-ville de Rio de Janeiro, on soutient ostensiblement le président d’extrême droite.

Surnommé le « Miami brésilien », Barra est connu pour ses appartements de luxe, ses quartiers ultra-sécurisés, ses centres commerciaux modernes, ses tours d’affaires et ses plages qui ourlent l’océan à perte de vue.

Si à l’échelle de la ville de Rio, Jair Bolsonaro a battu au 1er tour le candidat de la gauche Luiz Inacio Lula da Silva 47 % contre 43 %, ici l’écart se creuse : 50-37.

« À Barra, les gens sont idéologiquement très proches de Bolsonaro, la plupart le défendent, car il y a beaucoup d’hommes d’affaires ici », explique Felipe Fontenelle, 58 ans, économiste, propriétaire d’une entreprise de sécurité des communications et associé dans deux restaurants.

Conçu en 1969 par l’urbaniste Lucio Costa, qui a dessiné Brasilia avec Oscar Niemeyer, le quartier ressemble à la capitale moderniste avec ses larges voies rapides, ses jardins tropicaux luxuriants et l’automobile comme moyen de transport par excellence.

À partir des années 1980, Barra da Tijuca s’est imposé comme le lieu de résidence de nombreuses célébrités, de politiciens, d’hommes d’affaires et membres de la classe aisée brésilienne, tous venus se réfugier dans ses complexes résidentiels ultra-protégés.

Son essor a été couronné par la construction du parc et du village olympiques lors des Jeux de Rio-2016 et par l’extension de la ligne de métro.

« C’est un quartier de nouveaux riches, principalement des gens qui croient en l’idée du “self-made man”, qu’en travaillant, ils vont réussir », explique à l’AFP le sociologue Paulo Gracino Junior, professeur à l’université Candido Mendes.

« C’est mon ami »

Fils d’un colonel d’état-major de l’armée, Felipe Fontenelle soutient Jair Bolsonaro pour sa politique économique, mais aussi en raison de son aversion pour le « communisme ».

« Mon père avait déjà prévenu en 1989 – lorsque Lula était candidat pour la première fois –, je le dis à mon tour : un nouveau gouvernement du Parti des Travailleurs serait néfaste pour le Brésil », prophétise-t-il.

C’est dans l’un des complexes privés en bord de mer que Jair Bolsonaro et sa famille ont emménagé à la fin des années 2000, alors qu’il n’était encore que député et partageait sa semaine entre Rio et Brasilia.

« C’est mon ami. Nous le connaissons tous très bien ici », raconte Cacalo Matarazzo en montrant sur son téléphone plusieurs photos de lui au côté du président.

« Il ne s’agit pas de Bolsonaro en soi, mais de soutenir un homme qui s’est battu pour rendre le Brésil meilleur », explique l’avocat et instructeur de jiu-jitsu de 73 ans qui vit dans un immeuble voisin du quartier fermé Vivendas da Barra, où se trouve la maison de la famille Bolsonaro.

Barra da Tijuca, où vivent selon le dernier recensement (2010) plus de 135 000 personnes, rassemble à la fois « des hommes d’affaires, des membres de professions libérales, des militaires de haut rang et aussi des criminels », comme l’ex-policier aujourd’hui incarcéré, Ronnie Lessa, accusé d’avoir exécuté la conseillère municipale Marielle Franco en 2018 et qui était voisine des Bolsonaro, rappelle Paulo Gracino Junior.

Pèlerinage bolsonariste

La copropriété du président est protégée par un mur en béton, des barbelés et une barrière de sécurité qui contrôle l’entrée et la sortie des véhicules. Depuis 2018, c’est un lieu de pèlerinage pour les bolsonaristes.

Avocate à la retraite, Mirian Rebelo, 65 ans, et son fils Rodrigo, dentiste de 41 ans, s’arrêtent devant l’entrée du quartier fermé pour se prendre en photo.

Originaires de Santa Catarina (sud), ils sont à Rio le temps d’un congrès et logent dans un hôtel voisin. « Le président met beaucoup l’accent sur la famille. Et il n’utilise pas de demi-mots […] il dit ce qu’il pense », se félicite Mirian Rebelo, cheveux bruns colorés, grosses lunettes noires et T-shirt de marque.  

« Il combat la corruption et l’idéologie du mal. Chaque pays mérite un Bolsonaro », ajoute son fils.

Outre des drapeaux brésiliens, le commerce d’en face vend des poupées de Lula habillé en prisonnier. « Voleur, crapule », lance en les regardant le bolsonariste Cacalo Matarazzo.