(Rio de Janeiro) Le président Jair Bolsonaro a réussi à mobiliser des centaines de milliers de partisans dans les rues du Brésil mercredi à l’occasion du bicentenaire de l’Indépendance, malgré les critiques sur un usage électoraliste de la fête nationale à l’approche de la présidentielle.

À Brasilia le matin puis à Rio l’après-midi, le chef d’État d’extrême droite a tenté de faire des commémorations une démonstration de force avec deux défilés militaires et des manifestations massives, à moins de quatre semaines du scrutin le plus polarisé de l’histoire récente du Brésil.  

Mais l’opposition a accusé celui que tous les sondages voient perdre la présidentielle d’« usurper » la fête nationale à des fins électorales, avec les moyens de l’État et, notamment, l’armée.

Les avocats du favori de la présidentielle, l’ex-président Lula, ont annoncé qu’ils allaient saisir le Tribunal suprême électoral (TSE), arguant que le président Bolsonaro avait utilisé le 7-Septembre pour en faire « un méga-rassemblement électoral, en tant que candidat ».  

La journée s’est déroulée sans les violences redoutées par beaucoup, un an après un 7-Septembre qui avait été entaché par des menaces putschistes.

À Brasilia, Jair Bolsonaro a assuré dans un discours très ferme que les sondages étaient « mensongers ». L’institut de référence Datafolha lui accorde 32 % des intentions de vote, loin derrière Luiz Inacio Lula da Silva (gauche), à 45 %, au premier tour le 2 octobre.  

« Ils veulent retourner sur la scène du crime », s’est exclamé le président au sujet du Parti des travailleurs (PT) de Lula qui a gouverné le Brésil pendant 14 ans.  

« Ils ne reviendront pas ! », a-t-il assuré, tandis que la foule scandait : « Lula, voleur ! », une référence à l’emprisonnement de ce dernier en 2018-19 pour corruption.

« 200 ans d’indépendance aujourd’hui. Le 7-Septembre devrait être un jour d’amour et d’union au Brésil. Malheureusement, ce n’est pas ce qui se passe », a tweeté Lula.

« Jamais je n’ai vu une mer aussi grande avec ses couleurs verte et jaune », celles du drapeau national, a exulté un Bolsonaro devant la foule colorée qui remplissait la gigantesque Esplanade des ministères de la capitale.

Dans son discours – boudé par les présidents de la Cour suprême, du Sénat et de la Chambre des députés -, M. Bolsonaro a aussi tenté de se rallier un électorat féminin qui le fuit.

Embrassant son épouse Michelle, il a encouragé les célibataires à chercher leur « princesse », s’autorisant une allusion à sa supposée puissance sexuelle saluée par les vivats de la foule.

« Une base mobilisée »

À Sao Paulo, une marée humaine de vert et de jaune a également envahi la très longue avenue Paulista, tandis que des défilés bolsonaristes ont eu lieu dans des dizaines d’autres villes du Brésil.  

« Les manifestations montrent qu’il a une base mobilisée », dit à l’AFP Adriano Laureno, un des consultants de Prospectiva, mais ses discours sont « davantage destinés à mobiliser sa propre base qu’à gagner de nouvelles voix ».

En matinée, le coup d’envoi des célébrations avait été dans la capitale Brasilia un défilé militaire entouré d’un dispositif de sécurité exceptionnel.

Puis à Rio de Janeiro, le long de la plage de Copacabana, a eu lieu une parade de jet-skis, des sauts de parachutistes et un défilé aérien.

« Je ne suis pas très poli, je dis des gros mots, mais je ne suis pas un voleur », a lancé le président, d’une tribune louée par des églises évangéliques, dans une allusion transparente aux accusations contre Lula.  

Il a rappelé les valeurs ultraconservatrices de son gouvernement qui « n’a pas l’intention de légaliser l’avortement » ni la drogue ni « de promouvoir l’idéologie de genre », mais respecte la Constitution.   

Jair Bolsonaro a opté pour un ton relativement modéré, défendant son bilan et se gardant d’attaquer les institutions, notamment la Cour suprême, qu’il a souvent violemment mise en cause.

« Il va gagner »

Mais dans l’immense foule de ses sympathisants, certains le faisaient à sa place.

Suely Ferreira, 64 ans, arborait une bannière appelant Bolsonaro à « mettre en action les forces armées pour destituer les juges de la Cour suprême ». « Une dictature en toge (qui) ruine le pays », selon elle.

« Il va gagner, ce n’est pas possible autrement », dit-elle à l’AFP.

Le chef de l’État a insisté pour que cette année, les soldats défilent à Rio, son fief électoral, à l’endroit habituel des manifestations bolsonaristes.

L’avenue de Copacabana étant bien moins large que celle du centre où se déroule habituellement le défilé, des commentateurs ont relevé que l’effet de foule, capté par les caméras de télévision, était plus impressionnant.

« L’important (de cette manifestation) c’est qu’il arrive à voir, de la tribune, la quantité de gens qui le soutiennent », a déclaré Luiz Garcia, un instructeur de tir de la Police fédérale âgé de 34 ans.