(Mexico) Pari gagné, sur fond d’abstention : le président du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador, va rester au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat en 2024, conforté dimanche par un référendum, mais avec une participation inférieure à 20 %.

Plus de 90 % des votants (90,3 % à 91,9 %) ont souhaité que le leader de gauche nationaliste, 68 ans, aille jusqu’au terme de son mandat unique de six ans, d’après les résultats de l’Institut national électoral (INE), qui a également annoncé une participation de 17 à 18,2 % des 93 millions d’inscrits.

« Plus de 15 millions de Mexicains sont contents et veulent que je continue jusqu’en septembre 2024 », s’est félicité le président dans un message vidéo, imputant l’abstention au manque de bureaux de vote mis à disposition par l’INE.

Soupçonné par ses opposants de vouloir utiliser ce référendum pour se faire réélire en 2024, il a démenti, affirmant : « Je suis démocrate. Et je ne suis pas à faveur de la réélection ».

PHOTO EDUARDO VERDUGO, ASSOCIATED PRESS

Le président Andres Manuel Lopez Obrador

Les Mexicains devaient répondre à la question suivante : « Êtes-vous d’accord pour révoquer le mandat du président pour perte de confiance, ou pour qu’il continue à la présidence de la République jusqu’à la fin de son terme ? ».

Devant les journalistes, AMLO-ses initiales, son surnom-a glissé dans l’urne un bulletin barré de la mention manuscrite « Vive Zapata ! », un héros de la Révolution mexicaine (1910-17).

Des files d’attente se sont formées par endroits. « J’apprécie le président, et puisqu’il me le demande, me voici », a déclaré à l’AFP Carmen Sobrino, une femme au foyer de 64 ans.

Mayra Marruenda, 29 ans, pensait s’abstenir la veille du vote. « En vérité, je crois qu’il nous a tous déçus. Je pense que c’est un jeu, une manipulation, et je ne pense pas y participer ».  

Le président avait lui-même inscrit dans la Constitution en 2019 cette « consultation révocatoire », sur le modèle d’autres pays latino-américains comme le Venezuela.

« Pas en faveur de la réélection »

« On ne peut pas gouverner sans l’appui du peuple », a répété Lopez Obrador dimanche soir.

Trois partis d’opposition avaient appelé à l’abstention (PAN, de droite, PRD de gauche et l’ex-parti État du PRI).

Le PAN a évoqué une consultation populaire marquée « par l’illégalité, le mensonge et le détournement des ressources publiques ».

Le PRI a accusé le parti au pouvoir, Morena, d’avoir transformé le référendum en « plaisanterie », selon l’un de ses responsables sur Twitter, Alejandro Moreno.

Pour certains de ses opposants, AMLO voulait s’appuyer sur un plébiscite pour envisager une réélection, un tabou politique au Mexique depuis le « Porfiriato » : le président Porfirio Diaz - un dictateur pour certains historiens - était resté au pouvoir pendant près de 30 ans de 1884 à 1911, avant son exil et sa mort à Paris.

L’actuel président a donc démenti, ajoutant vouloir « terminer l’œuvre de transformation (du Mexique) » et « donner la préférence aux humbles et aux pauvres ».

Le Parlement examine en commission ces jours-ci une réforme du secteur de l’électricité qui veut renforcer l’entreprise publique CFE.  

Les États-Unis dénoncent un danger pour leurs investisseurs et agitent la menace de « litiges sans fin » dans le cadre du traité de libre-échange d’Amérique du Nord.

AMLO a également confié à l’armée la gestion des grands chantiers comme le train touristique Maya, contre lequel des défenseurs de l’environnement multiplient les recours en justice.

En trois ans, le gouvernement a considérablement augmenté le salaire minimum, tout en maintenant une politique d’austérité budgétaire, alors que la pandémie de COVID-19 faisait près de 325 000 morts. Le Mexique a été l’un des seuls grands pays à maintenir ses frontières ouvertes, sans restrictions.

La loi prévoit un seuil de participation de 40 % pour que le résultat de ce type de référendum soit contraignant pour les pouvoirs en place.  

En d’autres termes, même si le « non » l’avait emporté dimanche, le président n’était pas légalement obligé de démissionner avec un taux de participation largement inférieur à 40 %.

« L’enjeu était la capacité de mobilisation de Lopez Obrador et de ses partisans. Nous avons vu que cette capacité était forte », a déclaré à l’AFP l’analyste politique Hernán Gómez Bruera.

Moins de 8 % des Mexicains s’étaient déplacés en août pour un précédent référendum sur d’éventuelles poursuites judiciaires envers plusieurs prédécesseurs du chef de l’État.