(Mar del Plata) Les cas de COVID-19 explosent en Argentine, mais la jeunesse s’éclate sur la côte. L’été austral 2021 présente le singulier paysage de statistiques record et une réponse mesurée des autorités qui assument de ne pas serrer la vis.

Mar del Plata, ses plages bondées, ses bars, ses nuits. Environ 650 000 habitants à l’année, jusqu’à 3,5 millions de touristes de décembre à février, selon les derniers chiffres pré-pandémie. C’est LA destination estivale des Argentins, de Buenos Aires surtout, sur la première côte véritablement océanique, à 400 km de la capitale.

Sur un fond musical de tenaces basses techno ou latino, près du complexe de bars-boîtes de La Normandina surplombant l’Atlantique, Renata, Lara et Pilar pouffent à l’évocation de mesures de prévention : « Ici c’est Mar del Plata, la COVID-19 n’existe pas ! C’est plein de gens, tout ce que veulent les jeunes ! »

Les masques ? « À l’entrée [en boîte] ils le demandent. Après, à l’intérieur, c’est ingérable », analyse Andrès Gazzola, étudiant en médecine de Rosario, qui comprend l’insouciance. « Après deux ans de pandémie c’est comme une revanche. Les gens se lâchent. Ils ont besoin de s’amuser, de vivre ». D’autant qu’il le pressent : « La COVID-19 touche à sa fin ».

« La pagaille »

L’Argentine a connu en 2020 un strict confinement de plus de cinq mois, a pris le temps avant de rouvrir ses écoles en 2021, pas ses universités, ainsi que ses frontières, à partir de novembre.

Mais à Mar del Plata les masques sont rares au milieu des foules compactes autour d’une sono posée sur le sable ou dans les « boliches » (boîtes). « C’est la pagaille. En vrai, il n’y a pas de masques, il n’y a rien… Mais bon, on savait où on venait et à quoi on s’exposait », sourit Ariel Gill, la trentaine, torse nu. « Et puis nous on reste entre amis, dans notre “bulle” », estime-t-il.

Les « bulles » de Mar del Plata débordent un peu sur le centre de test, à courte distance de tongs, mais avec plusieurs heures d’attente. La semaine dernière, la moyenne de cas positifs à Mar del Plata a dépassé les 60 % – plus de 80 % dans d’autres stations de cette conurbation balnéaire – pour 50 % au niveau national.

L’Argentine connaît depuis un mois une explosion du nombre de nouveaux cas COVID-19, dans le sillage des pays européens, avec chaque jour ou presque un record battu depuis le début de la pandémie : 128 000 nouveaux cas encore mercredi, plus de 20 fois plus que mi-décembre.

Mais face à une mortalité COVID-19 qui reste basse (autour de 50 décès par jour, contre 400-500 en mai-juin au plus dramatique de la pandémie), face à une occupation relative des soins intensifs (39,5 %), face aussi à un zèle vaccinal notable (74 % à deux doses, 18 % avec rappel dont 40 % des plus de 60 ans), le gouvernement a choisi de ne pas s’affoler.

Et évoque comme la ministre de la Santé Carla Vizzotti un « changement de paradigme » face à la COVID-19.  

« Infecté, mais tranquille »

« Plutôt que les lits de soins intensifs, ce qui nous préoccupe est l’absentéisme au travail », dit la ministre d’un gouvernement qui a ardemment besoin de ne pas freiner l’oxygène d’une reprise économique (10 % de croissance prévue en 2021) venant après trois ans de récession. Et, évidemment, de ne pas dépeupler des « services essentiels » par un isolement qui serait sur-prudent.

D’où, il y a quelques jours, la décision d’assouplir encore les mesures d’isolement. Fini l’isolement pour cas contacts asymptomatiques vaccinés. La durée de quarantaine des cas positifs avait été auparavant réduite.

On ne dit pas encore « endémie » au lieu de « pandémie », mais on s’y rapproche.

D’où, aussi, la campagne de promotion de la saison estivale, pour relancer l’activité économique, qui a vu le gouvernement sceller un accord avec les secteurs hôtelier et touristique pour un gel des prix pour l’été austral. Relancer, consommer, et maintenir l’inflation établie à 50,9 % pour 2021.

À Mar del Plata, les jeunes ont bien reçu le message, et l’été sera donc chaud. Ils se disent « je vais à la plage, c’est sûr que je vais être infecté, mais je suis tranquille parce que je suis vacciné et que cette maladie n’est pas grave », analyse Patricia Bogdanowicz, pédiatre infectiologue à l’hôpital-école San Martin de Buenos Aires.

« Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que tout l’appareil productif, les services de santé, sont à fleur de peau à cause des contaminations et isolements ».