(Dabeiba) Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, en visite sur le terrain en Colombie à l’occasion du cinquième anniversaire de l’accord de paix avec les FARC, s’est inquiété mardi des agissements des « ennemis de la paix » dans ce pays.

Le jour même à Washington, le gouvernement américain a entamé le processus pour retirer les ex-rebelles des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) de sa liste noire des organisations terroristes étrangères.

Aux côtés du président colombien Ivan Duque, M. Guterres s’est rendu dans la matinée dans la municipalité de Dabeiba, une localité montagneuse et rurale du département d’Antioquia, « pour voir de première main les réalisations de la paix ».

Il a visité un site de « réintégration » à Llano Grande, où vivent avec leurs familles d’anciens combattants des FARC, qui tentent, depuis l’accord de 2016, de se réintégrer à la vie civile avec de petits projets économiques.

« Chaque jour, ils renouvellent leur engagement pour construire un pays en paix. Ils savent mieux que quiconque que la paix ne se construit pas du jour au lendemain. Cela nécessite des efforts, de la ténacité, pour construire et préserver », a loué M. Guterres.

« Malheureusement il y a des ennemis de la paix », a déploré le patron de l’ONU, appelant à « garantir la sécurité des ex-combattants, des leaders sociaux et des défenseurs des droits de l’homme ». « Les actions des acteurs armés illégaux […] anéantissent les espoirs des communautés et mettent en péril les perspectives de développement », a-t-il averti.

Dans un tweet publié par la suite, il a dit condamner « de la manière la plus ferme l’usage de la violence et l’assassinat de défenseurs des droits humains et d’ex-combattants des FARC en Colombie ».  

Le mercredi 24 novembre marquera en Colombie le cinquième anniversaire de l’accord entre le gouvernement et la guérilla marxiste qui a mis fin à près de six décennies de guerre interne.

Environ 13 000 guérilleros ont depuis déposé les armes pour se réintégrer à la vie civile. La violence perdure néanmoins dans plusieurs régions, où des dissidents des FARC ont repris les armes et où sévissent d’autres groupes armés et les narcotrafiquants. L’accord de 2016 reste par ailleurs contesté, et près de 300 ex-FARC ont été assassinés en cinq ans.

« Rejeter la violence »

M. Guterres était également accompagné de plusieurs ex-dirigeants de la guérilla, dont leur ancien commandant, Rodrigo Londono, qui a vu comme un « encouragement » la présence à leurs côtés du président Duque, longtemps opposé à l’accord de 2016, lors cette visite.

Malgré de « nombreux obstacles […], malgré le fait que nous ayons eu près de 300 signataires tués, nous restons engagés sur le chemin pris il y a cinq ans » et « nous respecterons les promesses faites devant la Colombie et le monde », a assuré M. Londono, connu également sous son ancien nom de guerre de « Timochenko ».

« Nous sommes tous attristés lorsque nous voyons des actes de violence contre des personnes qui ont été dans le processus de réincorporation ou qui exercent un leadership sur le territoire », a déploré également le président Duque. Et d’ajouter, dans un geste inhabituel envers Londono : « Nous sommes tous réunis ici pour rejeter clairement la violence ».

Ivan Duque fut longtemps un adversaire résolu de l’accord de 2016, le jugeant trop favorable aux FARC, avant d’être obligé, en tant que chef de l’État, d’en assurer la mise en œuvre.

« Nous avons pris l’engagement total que la réincorporation (des ex-FARC) doit être un succès », a-t-il assuré, rappelant que le gouvernement avait apporté son appui à 3200 projets en faveur des ex-combattants.

« Nous devons redoubler d’efforts pour garantir la durabilité des projets (de réintégration), avec un soutien technique et financier, des terrains et des logements », a réclamé M. Guterres, alors que la communauté internationale est le principal soutien du processus.

L’accord de 2016 « a une vocation transformatrice pour s’attaquer aux causes profondes du conflit, sa mise en œuvre et son succès dans les territoires sont donc cruciaux », a-t-il souligné, rappelant au passage que « l’accès à la terre est vital pour un processus durable ».

Le secrétaire général des Nations unies assistera mercredi à une autre cérémonie officielle, cette fois à Bogota, en présence là aussi du président Duque et des leaders des ex-FARC.

Autre signe de la normalisation, le gouvernement américain, qui fut longtemps le parrain de Bogota dans sa guerre contre les FARC, a notifié mardi au Congrès son intention de retirer l’ex-guérilla communiste de sa liste noire des organisations terroristes étrangères.

« Je peux confirmer que le gouvernement a envoyé aujourd’hui une notification au Congrès nous informant qu’ils vont retirer les FARC de la liste des organisations terroristes », a indiqué à l’AFP une source parlementaire.  

Les FARC étaient depuis 1997 sur la liste noire américaine, qui permet de prendre des sanctions financières et diplomatiques. Devenue un parti politique (Comunes), l’ex-rébellion est désormais une force politique, avec un quota garanti de représentants au congrès colombien.