(Bogota) Un dirigeant de l’ex-guérilla colombienne des FARC et négociateur de l’accord de paix historique de 2016 est rentré mercredi en Colombie, au lendemain de sa brève interpellation au Mexique.

« Je suis là », a déclaré Rodrigo Granda à la presse à son arrivée l’aéroport international de Bogota, où il a remercié le Mexique et la communauté internationale de lui avoir « donné toutes les possibilités » de rentrer dans son pays.

M. Granda, connu comme le diplomate en chef de l’ex-guérilla marxiste, avait été arrêté mardi à Mexico sur la base d’une « notice rouge » d’Interpol émise par le Paraguay, selon les députés et dirigeants du parti Comunes, fondé par les anciens guérilléros à l’issue de l’accord de paix.

Il se rendait au Mexique, au sein d’une délégation menée par l’ex-numéro un des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), Rodrigo Londoño, à l’invitation du Parti du travail pour participer à une convention de formations de gauche.  

Comunes a dénoncé une violation de l’accord de paix et accusé le président colombien conservateur Ivan Duque d’être à l’origine de l’arrestation.

Le ministre de la Défense colombien Diego Molano a réfuté ces accusations, expliquant que l’arrestation de M. Granda, qui vit et circule librement en Colombie avec l’assentiment des autorités, avait eu lieu « à la suite d’une notice rouge émise par le Paraguay pour enlèvement, association de malfaiteurs et homicide volontaire ».

En 2008, un juge paraguayen avait lancé un mandat d’arrêt contre l’ex-guérillero pour sa responsabilité présumée dans l’enlèvement suivi du meurtre, en 2005, de la fille de l’ancien président Raul Cubas (1998-1999).

« Le gouvernement colombien a activé un mandat d’arrêt d’Interpol qui était en sommeil », a accusé M. Granda, mettant en cause des « hauts fonctionnaires qui ne sont pas d’accord avec le processus de paix, qui refusent de voir que nous nous sommes conformés à l’accord ».

« Le gouvernement ne fait rien d’autre que de conspirer contre le processus de paix à tout moment », a-t-il soutenu.

« Retour volontaire »

Le ministre paraguayen des Affaires étrangères, Euclides Acevedo, a confirmé mercredi que la justice de son pays avait émis un mandat d’arrêt international à l’encontre de l’ex-chef rebelle.  

« Le ministère des Affaires étrangères […] a envoyé à l’ambassade du Mexique tous les documents qui étayent le mandat d’arrêt du Paraguay », a déclaré à la presse le ministre qui a également annoncé avoir convoqué l’ambassadeur mexicain à Asuncion pour obtenir des explications sur la libération de M. Granda.  

Mexico s’est justifié en assurant que Rodrigo Granda était rentré en Colombie avant que les autorités mexicaines puissent traiter le mandat d’arrêt.  

« Les autorités paraguayennes ont contacté le Mexique pour demander l’arrestation et l’extradition de M. Granda vers le Paraguay dans la nuit du 19 octobre », alors qu’il était « retenu » à l’aéroport de Mexico, a fait savoir dans une note à la presse le ministère des Affaires étrangères.

Mais il avait déjà quitté le pays « avant que la demande puisse être examinée », a ajouté le ministère.

Selon Rodrigo Londoño, interrogé depuis Mexico par des médias colombiens, M. Granda « n’a pas été arrêté, nous avons simplement découvert sur place qu’ils avaient activé une notice rouge Interpol dès notre atterrissage à Mexico ».

« Et donc les autorités mexicaines ont dû agir avec les protocoles qui doivent être suivis dans ces circonstances. Il était isolé, il n’avait aucune communication […] cela a duré environ sept ou huit heures […] jusqu’à ce que les autorités mexicaines autorisent son entrée au Mexique », selon M. Londoño.

« Nous avons jugé qu’il était beaucoup mieux de retourner en Colombie parce que nous avons vu que la circulaire rouge avait été activée. Le retour de Rodrigo Granda est donc un retour volontaire », a-t-il encore assuré, estimant « frappante l’activation de cette circulaire rouge ».

Selon le parti Comunes, M. Granda se déplaçait avec l’autorisation du tribunal spécial pour la paix (JEP), institution colombienne issue de l’accord de paix et qui enquête sur les crimes commis pendant le conflit. Plusieurs des ex-dirigeants des FARC font l’objet d’enquêtes de la JEP, mais aucun d’entre eux n’a encore été condamné.