(Rio de Janeiro) Le mois de mars a été de loin le pire pour le Brésil aux prises avec une épidémie de coronavirus incontrôlable qui a fait exploser tous les compteurs, avec plus de 66 000 morts, deux fois plus que le pire mois jusqu’à présent, celui de juillet 2020.

Au total, 66 573 personnes ont succombé à la COVID-19, soit 102 % de plus que les 32 881 victimes de juillet l’an dernier dans le grand pays latino-américain, selon les données publiées en soirée mercredi par le ministère de la Santé.

« Nous n’avons jamais vu dans l’Histoire du Brésil un seul évènement tuer autant de gens en 30 jours », se désole auprès de l’AFP Miguel Nicolelis, ex-coordinateur du Comité scientifique formé par les États du Nord-est contre la pandémie.  

Vu la virulence de la pandémie, rien n’indique qu’avril ne sera pas pire encore.

« Nous sommes au pire moment, avec des records de morts et de contaminations, ce qui signale qu’avril sera encore très mauvais », déclare à l’AFP l’épidémiologiste Ethel Maciel, professeure à l’Université fédérale d’Espirito Santo (UFES).

En un peu plus d’un an, la COVID-19 a fait au Brésil 321 515 morts, un bilan seulement surpassé par les États-Unis.

Pour le Dr Nicolelis « il est très possible » que le Brésil « atteigne le demi-milion de morts d’ici à juillet ».

« Cela n’est pas seulement une menace pour le Brésil, mais aussi pour le monde entier », a-t-il ajouté, alors que les voisins latino-américains du pays voient de fortes poussées des contaminations.

Le record des décès quotidiens devrait dépasser prochainement les 4000 morts. Mercredi, un nouveau record a été déploré, avec 3869 décès.

Fait très inquiétant lui aussi, la semaine du 21 au 27 mars a été celle avec le plus de contaminations enregistrées (près de 540 000), ce qui augure de nouveaux records d’afflux de patients en soins intensifs et de morts dans deux semaines dans ce pays de 212 millions d’habitants.

« Situation tragique »

Mais les hôpitaux sont quasi saturés : dans 18 des 27 États brésiliens, 90 % des lits en soins intensifs réservés à la COVID-19 sont occupés, dans sept autres le taux est de 84 % à 89 %, d’après le dernier bulletin de la Fondation Fiocruz.

Dans plusieurs États, le personnel soignant a déjà commencé à attribuer les lits en soins intensifs aux patients les plus à même de survivre.

« Nous sommes arrivés à une situation tout à fait tragique, qui ressemble à celle de l’Italie » au début 2020, ajoute Ethel Maciel.  

Ainsi au moins 230 malades confirmés ou suspectés du coronavirus sont morts en mars faute d’avoir trouvé un lit en soins intensifs dans la conurbation de Sao Paulo, capitale de l’État le plus riche du pays, selon TV Globo.

Les médecins attribuent la violence de cette deuxième vague à plusieurs facteurs : relâchement des précautions sanitaires lors des fêtes de fin d’année puis de carnaval, émergence de variants plus contagieux et absence de politique nationale de lutte contre la COVID-19 dans le pays de Jair Bolsonaro.

Le président d’extrême droite, qui n’a cessé de minimiser la pandémie, a enfoncé le clou mercredi : « ce n’est pas en restant à la maison que nous allons régler le problème », a-t-il lancé, contredisant son nouveau ministre de la Santé, le 4e en un an.

Le nouveau titulaire, le cardiologue Marcelo Queiroga, venait de demander aux Brésiliens de porter le masque et de « respecter la distanciation sociale » durant la Semaine sainte, à l’issue de la première réunion du Comité formé par le gouvernement et le Parlement, qui a accru la pression sur Bolsonaro.  

Les États, notamment Sao Paulo et Rio de Janeiro, ont adopté ces dernières semaines des mesures de restrictions partielles de l’activité et des mouvements de population.

Mais les effets de ces mesures, par ailleurs jugées insuffisantes par les médecins et très diversement respectées, mettront du temps avant de se faire sentir.

La campagne nationale de vaccination lancée mi-janvier avance trop lentement pour avoir un effet notable avant de longues semaines, voire des mois.

À ce jour, environ 8 % de la population brésilienne a reçu une première dose de vaccin et seulement 2,3 % la seconde. Seuls deux sérums sont injectés pour l’instant : le chinois CoronaVac et l’anglo-suédois AstraZeneca.

Mercredi le Brésil a autorisé en urgence l’utilisation du vaccin Janssen (Johnson & Johnson), le 4e après Pfizer, mais dont les doses ne sont pas attendues avant août.

Enfin, l’approche de l’hiver austral renforce les inquiétudes, avec la recrudescence des maladies respiratoires, surtout dans le Sud et le Sud-Est du Brésil, plus froids.

« Avec l’arrivée de l’hiver, nous pourrions avoir une troisième vague si nous n’arrivons pas à accélérer les vaccinations », avertit Mme Maciel.