(Caracas) Le dirigeant de l’opposition vénézuélienne Juan Guaidó n’est pas parvenu samedi à remobiliser massivement l’opposition comme en 2019, pour la « consultation » symbolique qu’il avait convoquée contre le régime de Nicolas Maduro.

L’opposition s’est cependant attribué un triomphe « historique ».

Les organisateurs de la consultation organisée en marge du système électoral ont offert un premier bilan provisoire, en assurant sur Twitter que 6,4 millions de personnes y avaient participé : 3,2 millions de manière présentielle au Venezuela, 844 728 à l’extérieur du pays et 2,4 millions sur l’internet.

La dénommée « consultation populaire » demandait aux Vénézuéliens s’ils soutenaient « tous les mécanismes de pression nationale et internationale » en faveur d’« élections présidentielle et législatives libres » et s’ils rejetaient les élections du 6  décembre.

PHOTO FEDERICO PARRA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le dirigeant de l’opposition vénézuélienne Juan Guaidó est reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays.

Cette consultation avait démarré via internet lundi et devait se faire de manière présentielle samedi sur près de 3000 sites dans le pays.  

Au dernier jour de la consultation, des sites prévus pour le vote sont apparus à moitié vides. À Caracas, les journalistes de l’AFP ont constaté une faible affluence sur la plupart.

La « participation à la consultation a dépassé de beaucoup la fraude qu’ils avaient organisée » le 6  décembre, a cependant assuré M. Guaidó sur Twitter, en faisant allusion aux élections législatives boycottées par le gros de l’opposition, à l’issue desquelles le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) au pouvoir et ses alliés avaient raflé plus de 91 % des 277 sièges de l’Assemblée.

Blanca Rosa Marbre, du comité d’organisation, a assuré que du fait de la « forte participation par Telegram, la plateforme a été saturée ». M. Guaidó a par ailleurs dénoncé la « censure » du gouvernement et le manque de soutien des médias télévisés du pays pour diffuser son appel.

Moins populaire qu’il ne l’était lorsqu’il s’était autoproclamé président en janvier 2019, Juan Guaidó – reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, États-Unis en tête – jouait son va-tout avec cette consultation symbolique, avant la fin de son mandat. Président du parlement jusqu’au 5 janvier, il avait appelé à boycotter les législatives du 6 décembre.

« Intimidations » et « scepticisme »

L’opposition a fait état d’« intimidations » et de menaces autour des sites prévus pour la consultation, par des « groupes de civils armés pro-régime », dans certaines régions du Venezuela et certains quartiers de la capitale.  

À la Cota 905 (Caracas), « un point de consultation » a dû être fermé, a déclaré à l’AFP le député Rafael Veloz.

Dans le quartier aisé de Chacao, traditionnellement acquis à l’opposition, José Nelson Castellanos était allé voter pour exprimer son rejet du gouvernement Maduro, au pouvoir depuis 2013, l’année de la mort du président socialiste Hugo Chavez (1999-2013).

« Si nous ne sommes pas satisfaits de la situation dans le pays, nous devons faire quelque chose, je sais que beaucoup de gens […] sont déjà sceptiques quant aux résultats, mais il faut faire quelque chose », a déclaré cet homme de 56 ans à l’AFP.

« Aucun effet légal »

La consultation convoquée par M. Guaidó et les élections législatives organisées par M. Maduro ont toutes deux enregistré un niveau élevé d’abstention, a relevé le politologue Jesus Castillo-Molleda, pour qui « les deux secteurs ont perdu la rue, ils ne sont pas connectés aux problèmes des gens ».

Pour l’analyste Rafael Alvarez Loscher, « l’opposition n’a pas su canaliser le mécontentement parce qu’elle n’a pas atteint ses objectifs, et cela a démoralisé les gens ».  

« Bien qu’ils soient contre Maduro, peu voient la nécessité d’associer leur nom à quelque chose qui n’a aucun effet légal ni politique », a-t-il ajouté.

Ce n’est pas la première fois que l’opposition invite à prendre part à une consultation organisée par ses propres moyens. Une initiative semblable avait abouti, en juillet 2017, au rejet de l’Assemblée constituante, un organe 100 % « chaviste », installé en août de cette année-là, après des mois de manifestations réprimées qui s’était soldées par 125 morts.

L’opposition avait alors assuré avoir réuni 7,6 millions de voix contre l’Assemblée constituante, qui s’est arrogé la majorité des pouvoirs parlementaires et doit être remplacée par une nouvelle Assemblée nationale le 5 janvier.

Par avance, M. Maduro avait minimisé l’importance de la consultation convoquée par Guaidó, qu’il désigne comme un « charlatan » et une « marionnette » aux mains des États-Unis.

« Personne ne pourrait croire que cette consultation par internet a une valeur légale, constitutionnelle, seulement une valeur informative », avait-il affirmé jeudi devant des députés, sans désigner M. Guaidó par son nom.