(Genève) Le président Nicolas Maduro et des ministres sont à l’origine de « possibles crimes contre l’humanité » au Venezuela, ont affirmé mercredi des enquêteurs de l’ONU, poussant le gouvernement de Caracas à dénoncer un document « truffé de contrevérités ».

L’équipe d’enquêteurs – qui rend là son premier rapport, mais qui n’a pas pu aller sur place – assure avoir trouvé des preuves de crimes contre l’humanité. Elle dit avoir de « bonnes raisons de penser que le président » ainsi que le ministre de l’Intérieur et celui de la Défense « ont ordonné ou contribué à commanditer les crimes avérés », selon un communiqué.

« Nous avons des informations selon lesquelles ils ont donné des ordres ou ils ont coordonné des activités, adopté des plans et des stratégies, fourni de la logistique, des ressources humaines et autres qui ont résulté dans la commission des crimes documentés », a expliqué Marta Valinas, la cheffe de ces enquêteurs, au cours d’une conférence de presse par visioconférence.  

Certains de ces crimes, « y compris des meurtres arbitraires et l’usage systématique de la torture, tombent sous le coup de crimes contre l’humanité », a-t-elle estimé.

Pas isolés

« Ces actes sont très loin d’être isolés, ces crimes ont été coordonnés et commis au nom de directives d’État en connaissance de cause et avec le soutien direct d’officiers supérieurs et de hauts responsables du gouvernement », poursuit le rapport de 411 pages.

À l’occasion de la première réaction du gouvernement socialiste, le ministre des Affaires étrangères Jorge Arreaza a dénoncé sur Twitter un rapport « truffé de contrevérités, élaboré à distance, sans rigueur méthodologique par une mission fantôme dirigée contre le Venezuela et contrôlée par des gouvernements inféodés » aux États-Unis qui ne reconnaissent pas Nicolas Maduro et exercent une forte pression diplomatique et économique pour l’évincer.

Les enquêteurs ont demandé aux autorités vénézuéliennes d’immédiatement ouvrir « des enquêtes indépendantes, impartiales et transparentes ».

Le rapport estime en outre que d’autres instances, y compris la Cour pénale internationale, « devraient aussi envisager des poursuites judiciaires contre les individus responsables des violations et des crimes identifiés par la mission », a souligné Marta Valinas.

Bien que le trio d’enquêteurs n’ait pu se déplacer au Venezuela, il a tiré ses conclusions de quelque 274 entretiens à distance avec des victimes, des témoins, d’anciens responsables ainsi que de l’analyse de documents confidentiels, y compris des dossiers judiciaires.

Mme Valinas a reconnu qu’il serait mieux de pouvoir se rendre sur place, « mais, même sans l’accès au pays, notre mission a été en mesure de mener une enquête sérieuse et en profondeur ces derniers mois ».  

« Cela ne nous a pas gênés dans la conduite de notre enquête et empêchés de tirer des conclusions qui reposent sur des bases solides », a-t-elle insisté.  

La mission d’enquête a passé en revue 2500 incidents depuis 2014 qui ont conduit au meurtre de 5000 personnes par les forces de l’ordre.

L’opposition vénézuélienne a, elle, abondé dans le sens du rapport. Miguel Pizarro, proche collaborateur de l’opposant numéro un Juan Guaidó, a estimé que le document « montre que les violations des droits de l’homme ne sont pas une pratique isolée, mais une pratique d’État ».

Indésirables

« Ces exécutions extrajudiciaires ne peuvent pas être mises sur le compte d’un manque de discipline au sein des forces de l’ordre », a affirmé Mme  Valinas, soulignant que les hauts responsables en gardaient le contrôle.

« Ces meurtres semblent entrer dans le cadre d’une politique d’élimination de membres indésirables de la société sous le couvert du combat contre la criminalité ».  

L’an dernier, la Haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Michelle Bachelet avait appelé à la « dissolution » des FAES, des forces spéciales de la police redoutées par la population.

Mais l’enquête montre que ces forces « sont toujours actives et qu’elles effectuent des missions qui aboutissent à des meurtres extrajudiciaires et par conséquent nous faisons une recommandation très claire : que le gouvernement dissolve ces forces. Nous sommes convaincus qu’elles restent un problème majeur », a dit Mme Valinas.

Quant à la torture, qui, selon le rapport, est systématique, les enquêteurs assurent que les tortionnaires ont recours au viol, à l’asphyxie, au tabassage, aux décharges électriques et aux menaces de mort pour punir les victimes ou les forcer à passer aux aveux.