(Caracas) Eau manquante, traitements inexistants, hygiène lacunaire : les hôpitaux vénézuéliens sont dans un état lamentable et l’arrivée du coronavirus fait craindre un désastre sanitaire aux médecins du pays sud-américain qui traverse une éprouvante crise économique.

Au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Caracas, les patients sont accueillis dans des couloirs mal éclairés. Cela fait longtemps que les canalisations sont hors service et l’eau est acheminée par des employés dans des seaux.

« Tout est sale, il y a de la poussière et le personnel nettoie avec de l’eau, pas avec du détergent ou du chlore. Ça sert à quoi de laver à l’eau ? », enrage Margot Monasterios, administratrice au CHU de Caracas.

Cet établissement est l’un des 46 hôpitaux que le gouvernement du président socialiste Nicolas Maduro destine à la lutte contre le coronavirus.

Pour l’heure, le Venezuela a recensé 36 cas de coronavirus et aucun décès dû à la COVID-19.

Pour tenter de freiner sa propagation, Nicolas Maduro a ordonné le confinement quasi total de tous les Vénézuéliens à partir de ce mardi. Les vols de et vers l’étranger ont presque tous été suspendus, les écoles ont fermé leurs portes et les rassemblements de grande ampleur sont interdits.

Mais, en aval, les professionnels de la santé sont catastrophés. « Le système de santé n’est absolument pas capable de faire face » en temps normal, martèle l’ancien ministre de la Santé José Felix Oletta. « Et encore moins dans une urgence comme celle-ci ».

Selon lui, seuls 35 % des hôpitaux vénézuéliens disposent d’eau courante.

À peine un hôpital sur deux avait des masques début mars, tandis que 90 % ne disposaient pas de protocole pour affronter une arrivée massive de patients contaminés par le nouveau coronavirus, selon Médicos por la Salud (Médecins pour la Santé), un réseau de praticiens vénézuéliens.

José Felix Oletta estime qu’une épidémie « modérée, légère » obligerait à hospitaliser entre 1000 et 1500 personnes. Mais les hôpitaux « sentinelles » choisis par le gouvernement ne disposent que de 206 lits en soins intensifs, dont la moitié à Caracas, avertit le Réseau de défense de l’épidémiologie nationale.  

Le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), Jan Egeland, a même parlé d’un risque de « carnage » au sujet de l’avancée du virus dans des pays comme « la Syrie, le Yémen et le Venezuela, où les hôpitaux sont détruits et les systèmes de santé se sont effondrés ».

« Nous n’avons rien »

En six ans de crise, l’économie vénézuélienne s’est contractée de 65 %, l’hyperinflation bat des records et les pénuries se multiplient au milieu de la crise humanitaire. Selon l’ONU, près de 5 millions de Vénézuéliens, dont de nombreux médecins, ont émigré depuis fin 2015.

Le Venezuela affronte une chute historique des prix du pétrole, sa principale source de revenus, et l’embargo américain sur son brut en vigueur depuis avril 2019 n’a rien arrangé.

C’est d’ailleurs sur le compte des sanctions américaines à l’encontre du Venezuela que Nicolas Maduro — que Washington cherche à évincer — met la crise sanitaire. Il expliquait ainsi la semaine dernière que les sanctions financières « multiplient par trois » le prix des kits de diagnostic du coronavirus.

Pour affronter la crise, des médecins de Cuba, son plus proche allié régional, sont arrivés en renfort au Venezuela.  

Nicolas Maduro a également sollicité une aide de 5 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI), qu’il vilipende régulièrement, pour « renforcer nos systèmes de détection et de réponse » au coronavirus.

L’opposant Juan Guaidó accuse, lui, le gouvernement d’avoir « détruit notre système de santé ».

Selon M. Guaidó, que près de soixante pays reconnaissent comme président par intérim, la faute en revient à la « corruption » qui gangrène la « dictature » de Nicolas Maduro, au manque criant d’investissements et aux salaires très bas versés aux soignants.

La situation est particulièrement dramatique en province. Dans un hôpital de Güiria, à 650 km à l’est de Caracas, huit médecins et six infirmières s’occupent d’une centaine de patients par jour en moyenne.

« Nous n’avons aucun matériel. Pas de masque, rien », déplore un médecin qui s’exprime sous le couvert de l’anonymat. « Nous n’avons rien pour diagnostiquer » le coronavirus, ajoute-t-il.

À ses côtés, un patient diabétique est allongé sur une civière. Il sanglote. Personne ne s’occupe de lui.