L'Assemblée nationale, dominée par l'opposition, a placé lundi le Venezuela en «état d'alerte», arguant de la situation «calamiteuse» du pays, confronté à une catastrophe alimentaire et sanitaire après 100 heures de panne de courant.

Le décret soumis au Parlement par son président Juan Guaidó, également président par intérim autoproclamé reconnu par une cinquantaine de pays, fait appel à la «coopération internationale» pour sortir le pays de l'ornière.

Malgré le retour progressif du courant dans plusieurs quartiers de Caracas, la situation reste chaotique pour la population : se procurer de l'eau et de la nourriture à un prix abordable devient une véritable gageure plus de quatre jours après le déclenchement de la pire panne qu'ait connue le pays. Et le moindre bloc de glace se négocie, comme tout le reste, en dollars, jusque dans les moindres recoins du pays.

Le ministre de l'Information Jorge Rodriguez a annoncé que, sur ordre du président Nicolas Maduro, mardi serait de nouveau chômé : le pays qui sortait à peine des vacances de carnaval est à l'arrêt depuis vendredi matin.

Devant les députés réunis en session extraordinaire, M. Guaidó a de nouveau appelé la population à manifester mardi : «Demain, à trois heures, tout le Venezuela dans les rues!», a-t-il lancé.  

«Non, la situation n'est pas normale au Venezuela et nous n'allons pas laisser s'installer cette tragédie», a-t-il insisté. Il a demandé aux «ambassadeurs» qu'il a nommés pour le représenter à l'étranger de coordonner le soutien international au Venezuela.

«Pas de pétrole pour Cuba»

Il a également décrété la suspension des livraisons de pétrole à Cuba, défendant la nécessité de faire «des économies d'énergie», au moment où la population est confrontée à la pire crise énergétique de l'histoire du pays, malgré ses colossales réserves d'or noir.

Surtout, M. Guaidó a affirmé que Cuba menait «une mission obscure» au Venezuela, accusant ses services de renseignement de faire partie de l'appareil d'État.

«Plus de pétrole pour Cuba!» s'est-il écrié, alors qu'en vertu d'accords bilatéraux signés avec l'ex-président Hugo Chavez, le Venezuela envoie environ 90 000 barils par jour à son allié socialiste.

Cette mesure a peu de chances d'être appliquée tant que M. Maduro bénéficie du soutien de l'armée, qui gère l'industrie pétrolière. Mais elle a aussitôt suscité une vive réaction de La Havane a qui a dénoncé dans un communiqué des «mensonges».

De son côté, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a dénoncé «le rôle central de Cuba et de la Russie», selon lui, pour «saper les rêves démocratiques et le bien-être des Vénézuéliens».

Selon la Constitution, la proclamation de l'état d'alerte-phase préliminaire à l'état d'urgence-ouvre théoriquement la voie aux quelque 250 tonnes d'aide humanitaire stockées par l'opposition aux portes du Venezuela et bloquées par le gouvernement, qui dénonce une tentative masquée d'intervention militaire américaine.

M. Maduro a attribué la panne électrique géante qui affecte l'ensemble du pays à une attaque «cybernétique» fomentée par les États-Unis avec l'opposition contre la principale centrale hydroélectrique vénézuélienne, qui fournit près de 80% de l'électricité du pays.

Pillages et décès

AFP

Juan Guaidó à sa sortie de l'Assemblée nationale.

Une explication qualifiée de «scénario hollywoodien» par M. Guaidó, qui a dénoncé devant les députés «la corruption et l'impéritie» des services publics chargés de l'électricité.

L'eau et la nourriture commençant à manquer, le gouvernement à procédé aux premières distributions d'eau dans les quartiers populaires. Des pillages ont été cependant signalés à Caracas et Maracaibo, dans l'ouest.

Selon des ONG, la panne a déjà provoqué la mort d'au moins 15 malades dans les hôpitaux-dont très peu sont équipés de générateurs en état de marche. Ces bilans ont été démenti dimanche par le ministre de la Santé Carlos Alvarado.

Mais il est impossible de savoir ce qui se passe dans le pays, faute de moyens de communication.

Parallèlement, Washington a sanctionné lundi la banque russe Evrofinance Mosnarbank et ceux qui font affaire avec elle pour son «soutien» au pouvoir en place à Caracas.

Le gouvernement du président Donald Trump avait déjà annoncé une série de sanctions économiques, notamment contre la compagnie pétrolière publique PDVSA.

La confrontation entre MM. Guaidó et Maduro dure depuis le 23 janvier. Mike Pompeo a reconnu que les États-Unis auraient «préféré que les choses se passent plus rapidement». «Mais j'ai pleine confiance», a-t-il ajouté. «Les choses bougent dans la direction voulue par les Vénézuéliens et vont continuer ainsi», a affirmé le secrétaire d'État américain.

AFP

Lundi la journée a commencé avec l'explosion d'une installation électrique qui affolé les riverains d'un quartier populaire de Caracas.