Le président brésilien Jair Bolsonaro est sorti mercredi de l'hôpital, après un séjour de plus de deux semaines qui a donné à son début de mandat un tour inédit.

Opéré le 28 janvier pour une reconstruction intestinale après un attentat à l'arme blanche qui avait failli lui coûter la vie en septembre 2018, le chef de l'État de 63 ans a dirigé le pays depuis son lit d'hôpital, à un rythme ralenti.

Il avait, après un bref intérim de son vice-président, tenu à reprendre les rênes dès le surlendemain de son opération.

C'est du moins ce qu'il a tenté de faire, en donnant l'image d'un dirigeant à la manoeuvre à travers de multiples interventions sur les réseaux sociaux, ses outils de prédilection, comme lors de la campagne présidentielle.  

À travers des messages, des photos et des vidéos publiés sur Twitter ou Instagram, le président d'extrême droite a communiqué sur ses activités de la journée, son état de santé ou commenté tel ou tel sujet politique.  

Mais les choses ne se sont pas passées tout à fait comme prévu. Jour après jour, les bulletins de ses médecins du grand hôpital Albert Einstein de Sao Paulo ont égrené une liste de problèmes : vomissements, fièvre, pneumonie, et aucune nourriture solide pendant deux semaines. Les visites ont été restreintes.

Ce n'est que mercredi que le chef d'État a finalement été autorisé à quitter l'hôpital par ses médecins, après un séjour de 17 jours qui a mis en relief des tensions au sein du gouvernement entré en fonction au 1er janvier, en particulier avec le vice-président, le général Hamilton Mourao.

« Tu veux me tuer ? », a demandé Jair Bolsonaro au général Mourao lors d'une conversation téléphonique le week-end dernier, des propos rapportés par la presse, pour qui le président plaisantait.

Signe de ces crispations : le vice-président a mis hors de lui l'entourage du chef de l'État, dont ses fils, en remettant en cause publiquement ses arguments en faveur de la libéralisation de la détention d'armes à feu et d'un transfert de Tel Aviv à Jérusalem de l'ambassade du Brésil en Israël.  

« Paralysie administrative »

Une évaluation sera faite au cours des prochains jours concernant la reprise progressive des activités de Jair Bolsonaro, a indiqué mercredi son porte-parole, Otavio do Rego Barros. Pour certains analystes, l'activité réduite du chef de l'État a eu des conséquences sur la bonne marche du pays.  

« Il y a une espèce de vide du pouvoir ces dernières semaines, avec l'absence prolongée du président », a jugé Thomaz Favaro, directeur du cabinet Control Risks, interrogé avant la sortie d'hôpital de Bolsonaro.

Une certaine « inquiétude » est perceptible dans les ministères, les agences gouvernementales et les entreprises publiques sur la façon de mettre en oeuvre le programme du gouvernement, a-t-il ajouté.

Dans un récent éditorial, l'influent quotidien Estado de S. Paulo a regretté la « paralysie administrative » qu'entraînait cette hospitalisation prolongée.  

Le pays est gouverné « actuellement par quelqu'un qui n'est pas dans un état de santé [suffisant] pour accomplir une telle tâche et qui subit l'influence directe et conséquente de ses fils, qui n'occupent pas de postes ministériels »,  a ajouté le journal.  

La très sensible réforme du système des retraites, aussi impopulaire qu'attendue par les marchés pour redresser les comptes publics, semble être au coeur des tensions gouvernementales.  

Le président d'extrême droite, qui a promis de « changer le Brésil », a confié cette lourde tâche à son « Chicago boy » Paulo Guedes, le ministre de l'Économie.  

Tous deux affichent publiquement une entente parfaite, mais sur ce dossier des désaccords sont récemment apparus.  

La fuite dans la presse d'un projet du texte de loi la semaine dernière a mis en évidence des divergences sur l'âge limite de départ à la retraite annoncé par Jair Bolsonaro.  

La réforme demande une modification de la Constitution qui doit être approuvée par les trois cinquièmes d'un Parlement encore très atomisé, soit 308 voix.  

Si elle était adoptée, cette mesure devrait permettre d'économiser quelque 273 milliards de dollars sur dix ans, selon M. Guedes.