Les fils du narcotrafiquant Joaquin Guzman, alias « El Chapo », ont tué le journaliste mexicain Javier Valdez, un spécialiste des affaires de drogue assassiné en mai 2017 au Mexique, a affirmé mercredi un ancien collaborateur d'El Chapo, dans un nouveau rebondissement du procès à New York.

Javier Valdez, qui était pigiste pour l'AFP, « a désobéi aux ordres menaçants des fils » d'El Chapo et « c'est pour cela qu'ils l'ont tué », a indiqué à la barre Damaso Lopez Nunez, ancien sous-directeur de prison passé ensuite au service d'El Chapo et surnommé « El Licenciado » ou « Lic » (le diplômé).  

Le journaliste, âgé alors de 50 ans, a désobéi en publiant précisément une interview avec « Lic » dans son hebdomadaire Riodoce, a affirmé ce dernier.

Le témoin, qui avait déjà raconté mardi comment il était entré au service d'El Chapo, a expliqué mercredi aux jurés la genèse de l'interview : voulant revenir sur des informations « complètement fausses » publiées par un autre journaliste mexicain, qui le mentionnait comme l'un des responsables d'une opération contre les fils d'El Chapo, il avait décidé d'accorder une interview téléphonique à Javier Valdez.  

Ce dernier enquêtait alors sur la guerre de succession au sein du cartel de Sinaloa, après l'arrestation d'El Chapo en janvier 2016.  

Les fils d'El Chapo, Ivan Archivaldo et Alfredo Guzman, entendirent parler de l'entretien, et « obligèrent Valdez à ne pas le publier ».  

« Mais lui a suivi son éthique et l'a publié quand même », a ajouté le témoin.

Interview mal reçue

L'interview dressait un portrait peu flatteur des fils d'El Chapo. Elle avait été mal accueillie aussi bien par eux que par les partisans de « Lic », selon Ismael Bojorquez, cofondateur de Riodoce avec Valdez.

Damaso Lopez, arrêté le 2 mai 2017 par les autorités mexicaines, soit peu avant la mort de Valdez le 15 mai, a nié lors du contre-interrogatoire de la défense avoir commandité le meurtre de Valdez, après la publication d'un article très critique sur son fils, surnommé « Mini Lic ».

Selon l'avocat de la défense Eduardo Balarezo, l'article présentait « Mini Lic » comme « un bon à rien, un narcotrafiquant pathétique ».  

« Mon fils et moi-même sommes innocents de cet assassinat », a assuré « Lic », 52 ans, qui a été condamné à la perpétuité aux États-Unis, mais espère encore réduire sa peine en témoignant pour l'accusation.

L'ancien patron de prison a aussi estimé possible qu'El Chapo lui-même n'ait pas su ce que faisaient ses fils.

« La vérité est que peut-être il ne le savait pas. Mais maintenant il le sait », a ajouté « Lic » à la barre, à quelques mètres du banc des accusés où se tenait El Chapo.

Le « Licenciado » a indiqué que son propre fils s'était rendu aux autorités américaines en juillet 2017, à la frontière, car les fils d'El Chapo voulaient l'assassiner.

L'assassinat de Javier Valdez avait choqué le Mexique, un des pays les plus dangereux pour les journalistes avec plus de 100 d'entre eux assassinés depuis l'an 2000, des crimes restés impunis pour la plupart.

Valdez, avec son journal Riodoce, était l'un des rares à dénoncer les agissements du crime organisé, surtout dans la région de Sinaloa, dans le nord-ouest du Mexique, dont est originaire El Chapo.

Contactée par l'AFP, la veuve de M. Valdez, la journaliste Griselda Triana, a réagi en estimant que le nouveau ministre de la Justice mexicain devait « approfondir ses investigations » sur cette affaire et vérifier les déclarations de « Lic », jusqu'ici considéré comme l'un des commanditaires du meurtre.

El Chapo, 61 ans, risque la perpétuité pour avoir codirigé le cartel de Sinaloa, responsable selon la justice américaine d'avoir exporté 155 tonnes de cocaïne aux États-Unis entre 1989 et 2014.  

Son procès s'est ouvert le 5 novembre à New York et devrait prendre fin en février.  

La défense doit commencer sa présentation la semaine prochaine, et a maintenu jusqu'ici le suspense sur la possibilité qu'El Chapo soit lui-même appelé à la barre.