Le président Nicolas Maduro a été investi jeudi à la tête du Venezuela pour un deuxième mandat, considéré comme illégitime par les États-Unis et une grande partie de la communauté internationale qui ont menacé d'accroître la pression sur le régime.

Le président vénézuélien a reçu l'écharpe présidentielle des mains du président du Tribunal suprême de justice (TSJ) lors d'une cérémonie à Caracas, en présence de plusieurs dirigeants de gauche d'Amérique latine et de nombreux militaires.  

« Je jure, au nom du peuple vénézuélien [...] je jure sur ma vie », a déclaré M. Maduro, 56 ans, promettant de respecter la Constitution et d'amener son pays à « la prospérité économique et sociale », avant de se tourner vers l'assistance en faisant le V de la victoire.  

Nicolas Maduro a été réélu pour un deuxième mandat de six ans le 20 mai lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, qui en rejette les résultats tout comme les États-Unis, l'Union européenne (UE) et de nombreux pays d'Amérique latine. Les opposants accusent le pouvoir d'avoir fait pression sur les électeurs et pointent une abstention historique (52 %).

Peu avant l'investiture, Washington a indiqué qu'il ne reconnaîtrait pas « l'investiture illégitime de la dictature Maduro ». « Nous continuerons d'augmenter la pression sur ce régime corrompu, de soutenir l'Assemblée nationale démocratique et d'appeler à la liberté et la démocratie au Venezuela », a tweeté le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton.

L'UE a dénoncé un mandat issu d'« élections non démocratiques » et a menacé de prendre des « mesures appropriées » en cas de nouvelles atteintes à l'État de droit, tandis que l'Organisation des États américains (OEA), en session extraordinaire à Washington, a déclaré « illégitime » le gouvernement du pays sud-américain.

M. Maduro a réagi dans son discours d'investiture.  

« Le Venezuela est au centre d'une guerre mondiale de l'impérialisme nord-américain et de ses gouvernements satellites », a déclaré le dirigeant socialiste, qualifiant son mandat de « légitime ».

« Respectez le Venezuela ou l'histoire vous fera payer cette dette le plus tôt possible », a-t-il lancé aux Européens, les accusant de ranimer leur « vieux colonialisme ».

La semaine dernière, à l'exception du Mexique, les pays du Groupe de Lima - 14 pays d'Amérique latine et le Canada - ont appelé Nicolas Maduro à renoncer à son mandat. Dès jeudi, le Paraguay, membre du Groupe, a annoncé rompre ses relations diplomatiques avec Caracas.

Selon la Constitution, le chef de l'État aurait dû prêter serment devant le Parlement, mais celui-ci est la seule institution contrôlée par l'opposition. L'investiture a finalement eu lieu devant le TSJ, fidèle au régime, en présence des présidents de la Bolivie, de Cuba, du Salvador, du Nicaragua et des représentants de pays alliés comme la Chine, la Russie et la Turquie.  

« Agonie »

Héritier politique de l'ex-président Hugo Chávez (1999-2013), l'ancien chauffeur de bus gouverne d'une main de fer, appuyé par une Assemblée constituante composée de fidèles du régime, et soutenue par les militaires.  

Après son investiture, ces derniers lui ont réaffirmé leur « loyauté et soumission absolue » lors d'une parade rassemblant 4900 soldats.  

La résignation est pourtant palpable dans le pays, alors que de nombreux Vénézuéliens sont asphyxiés par la plus grave crise économique de l'histoire moderne du pays, pourtant doté des plus grandes réserves de pétrole au monde.

« Cela va prolonger encore davantage l'agonie que nous vivons ces dernières années. Tout s'est profondément dégradé, les biens et les services de base sont chaque jour plus inaccessibles », se lamente Mabel Castillo, une infirmière de 38 ans.

Selon plusieurs experts, la crise économique devrait encore s'aggraver. Sous le mandat de Nicolas Maduro, l'économie s'est réduite de moitié et le pays devrait encore connaître un repli de 5 % en 2019 selon le FMI.

Outre les pénuries d'aliments et de médicaments, les Vénézuéliens doivent faire face à une hyperinflation qui, selon le FMI, atteindra 10 millions de % en 2019.

Et l'exode le plus massif de l'histoire récente en Amérique latine devrait se poursuivre : l'ONU estime que 5,3 millions de Vénézuéliens auront fui leur pays en 2019.  

Opposition latino-américaine

Nicolas Maduro entame son deuxième mandat alors que les gouvernements conservateurs reprennent la main en Amérique latine.  

Tout en demandant un sommet des présidents du continent pour « discuter de toutes les questions », il a réitéré sa menace de représailles diplomatiques contre les pays du Groupe de Lima.  

Appuyés par Washington, ces derniers, sauf le Mexique, ont demandé la semaine dernière au dirigeant socialiste de remettre le pouvoir au Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition, dans l'attente de nouvelles élections.

« Le Venezuela vit sous un régime de dictature », a notamment réagi le président de droite argentin Mauricio Macri.

Le Parlement a appelé de son côté l'armée à ne pas reconnaître le nouveau mandat de Maduro. « Nous demandons clairement à l'armée [...] qu'elle fasse un pas en avant et ne reconnaisse pas ce qui n'est pas le résultat d'un vote populaire », a déclaré son président, Juan Guaido.