(Tapachula) Installé dans un camion, un militaire fait défiler des images sur son écran d’ordinateur.  

Sur cette route, près de la frontière entre le Mexique et le Guatemala, les autorités ont déployé un scanneur pour détecter des formes humaines dissimulées dans les véhicules, celles de migrants clandestins en route vers le nord.  

À quelques dizaines de mètres de là, un autre barrage a été dressé. Des agents frontaliers y inspectent les minibus et taxis et vérifient l’identité des passagers, sous le regard de policiers fédéraux.  

Au cours des derniers jours, les barrages policiers et militaires ont été renforcés dans cette région du Chiapas (sud), point d’entrée principal de la migration centraméricaine.  

« Nous sommes là 24 h/24 h », explique l’un des agents.

PHOTO PEDRO PARDO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un agent d'immigration vérifie les documents des passagers d'une camionnette à un point de contrôle situé près de Tapachula, dans l'État du Chiapas, le 7 juin.

Une famille de migrants clandestins est bientôt repérée. Le père, qui porte un bébé en kangourou, est interpellé puis sa femme et leurs deux autres enfants. Ils sont conduits dans une des camionnettes des autorités migratoires aux vitres grillagées, avant une probable expulsion.

Depuis janvier, le nombre d’arrestations de clandestins au Mexique a triplé, passant de 8248 à 23 679 au mois de mai. Quant aux expulsions, elles ont également bondi pour atteindre le chiffre de 16 507 le mois dernier.

Inquiétude et colère

Le déploiement prévu lundi de 6000 hommes de la Garde nationale devrait encore accroître le nombre d’arrestations. La mesure fait partie de l’accord sur l’immigration conclu vendredi par Mexico avec Washington pour échapper à des taxes de 5 % sur tous les produits exportés vers les États-Unis.

Si certains commerçants de la région se félicitent de cette sécurité renforcée, la mesure suscite la crainte des migrants et la colère des activistes.

« Ils utilisent les migrants comme prétexte », s’insurge Ernesto Castanedo du refuge Buen Pastor à Tapachula.

« Cela va peut-être faire disparaître les grandes caravanes, mais pas la migration qui va continuer d’une façon ou d’une autre », estime-t-il.

Dans ce refuge vivent 600 migrants, en majorité honduriens, qui attendent de pouvoir poursuivre leur périple vers le nord. Des migrants regardent la télévision ou jouent au soccer, des femmes lavent du linge, tandis que des animateurs de l’UNICEF encadrent les enfants, au milieu des odeurs de cuisine.

Même chez ceux qui possèdent un titre de séjour temporaire, l’arrivée de la Garde nationale suscite des craintes.

« Ça me fait peur car les policiers nous frappent », explique Alexi, 21 ans, expulsé en mai des États-Unis et qui espère rejoindre une caravane pour retourner vers le nord.

Migrants et trafiquants

À l’aube, des migrants clandestins ont continué de franchir le fleuve Suchiate sur des embarcations pneumatiques empruntées par les locaux, a constaté l’AFP.  

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Des migrants et des résidents utilisent un radeau de fortune pour traverser le fleuve Suchiate qui sépare le Guatemala du Mexique, le 7 juin.

Honduriens, Salvadoriens ou Haïtiens, ils ont traversé le fleuve qui sépare le Guatemala du Mexique, avant de s’éloigner d’un pas pressé, visiblement inquiets, une fois sur la rive mexicaine.

« Des militaires sont passés un peu plus tôt », raconte Cristobal, l’un des passeurs qui font traverser les riverains. « Mais c’est leur ronde habituelle contre les trafiquants de drogue, ils n’arrêtent pas les migrants ».

À quelques centaines de mètres, des embarcations chargées de bidons de carburant volés font des allées et venues, à deux pas du poste frontalier de la douane mexicaine, sans que les trafiquants soient inquiétés.

PHOTO PEDRO PARDO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un homme traverse le pont séparant El Carmen au Guatemala et Talisman, au Mexique.

« Ça risque d’affecter ceux qui font traverser des marchandises [clandestinement] par le fleuve mais pas nous », assure Andres Mazariegos, qui sur le pont frontalier de la localité voisine de Talisman propose du change aux voyageurs, une grosse liasse de billets à la main.

« Ils devraient plutôt lutter contre le crime organisé », critique Abraham, 49 ans, un ancien migrant salvadorien travaillant désormais dans un refuge.

Lui-même a subi la violence des gangs criminels mexicains lorsqu’il tentait de gagner les États-Unis sur le train de marchandises surnommé la « Bestia ».  

Des criminels l’ont dévalisé, avant de le jeter du train en marche dans l’État de Sonora (nord). Il a passé cinq ans hospitalisé avant de retourner chez lui. Dans son village, les gens ne l’ont pas reconnu. Sans nouvelles, ses proches avaient dressé sa tombe au cimetière.