« Le premier choc, cela a été quand on nous annoncé qu'il n'y avait plus d'espoir de survie, le second aujourd'hui quand on a appris la découverte du San Juan », confie Yolanda Mendiola, mère d'un des 44 membres d'équipage.

Il pleut samedi sur Mar del Plata, cité balnéaire, port de pêche, base navale et port d'attache du sous-marin San Juan, et base de vie de la plupart des familles des marins disparus depuis le 15 novembre 2017.

Des dizaines de proches de l'équipage sont réunis devant une télévision de l'hôtel Tierra del Fuego, où plusieurs familles originaires d'autres régions d'Argentine résident depuis un an.

On les voit se serrer dans leurs bras, pleurer, se prendre la tête à deux mains.

Pour Luis, le dernier espoir s'est évanoui avec l'annonce de la localisation du San Juan, mis en service en 1985 dans la Marine argentine et remis en état selon le cahier des charges habituel entre 2012 et 2014, un investissement de 25 millions de dollars.

Hommage

Devant les grilles de la base navale, un parent égrène prénoms et noms des 44 membres d'équipage et la foule scande « présent », pour ancrer leurs noms dans les mémoires.  

Sur une banderole déployée devant la base navale de Mar del Plata un slogan sonne comme un hommage éternel : « 44 coeurs d'acier, interdit d'oublier ».

Le drame est survenu quelques jours avant le retour du sous-marin à la base, à l'issue d'une mission à la pointe sud du continent américain.

« Ils l'ont localisé, maintenant, qu'ils nous remettent nos proches », réclame Cecila Kaufmann, dont le mari Luis Leiva a péri dans la tragédie.

Alors que de nombreux proches sont très remontés contre le gouvernement et les autorités de la Marine, Jorge Bergallo, le père d'Ignacio Bergallo, un des 44, salue la localisation en soulignant que la plupart du temps, les épaves de sous-marins ne sont pas découvertes.

« Je préfère qu'il reste au fond », dit-il. « Un corps submergé pendant un an, je ne sais pas si c'est bon de le remettre aux familles ».

Deuxième combat

« Un deuxième combat commence. Il ne faut pas qu'ils soient abandonnés en mer, il faut exiger du gouvernement que le sous-marin soit ramené à terre », dit Marcela Moyano, veuve d'Hernan Rodriguez.

Elle fait référence à la mobilisation de 50 jours devant le palais présidentiel à Buenos Aires, pour exiger la reprise des recherches.

« Nous avons nos doutes, il est peut-être vide au fond », dit Yolanda Mendiola, mère éplorée, qui a abandonné sa maison de la province de Jujuy pour s'établir à l'hôtel Tierra del Fuego.

Julia Chazarreta, mère de Luis Leiva, s'est drapée dans un drapeau argentin. « La tranquillité, nous ne l'aurons jamais, c'est une grande douleur que nous ressentons ».  

« Nous espérons que nous serons écoutés et que par respect pour notre deuil ils vont l'extraire du fond de l'océan, car nous savons que l'entreprise est capable de le faire », poursuit-elle.

« Une phase d'enquête sérieuse est amorcée pour connaître toute la vérité, une vérité pour laquelle nous nous sommes engagés dès le premier jour », a assuré le président argentin Mauricio Macri, tout en annonçant un deuil national de trois jours.

Il s'agit d'« une vérité nécessaire pour honorer et respecter nos héros et leurs proches, à qui je souhaite toute la force du monde pour surmonter cette grande douleur », a-t-il ajouté.

Faire remonter à la surface le sous-marin, ou une partie du sous-marin, est une tâche titanesque et dont le coût peut dépasser le milliard de dollars, selon des experts.

Les proches des victimes s'étonnent que le San Juan ait été retrouvé dans une zone passée au peigne fin par les navires d'une coalition de treize pays, qui ont participé aux recherches en novembre et décembre 2017.

Avant la conférence de presse à Buenos Aires du ministre de la Défense Oscar Aguad, le commandant de la base Gabriel Attiz s'est rendu dans l'hôtel pour montrer des photos prises quelques heures plus tôt par un module sous-marin, à 907 mètres de profondeur.

L'hélice sur un cliché, la proue avec les tubes lance-torpilles sur un autre, et la partie supérieure sur un troisième.

« On les a trouvés ! Enfin », a écrit aux autres familles Luis Tagliapietra, père d'un marin, qui était à bord du navire américain Seabed Contractor, qui a déniché l'épave. « Ce que je ressens, c'est un mélange d'une immense tristesse et le sentiment d'une bataille gagnée.  On les a trouvés ».