La Colombie, premier producteur mondial de cocaïne, renforce sa lutte antidrogue, en interdisant notamment la dose minimale pour usage personnel face à la « hausse alarmante » de la consommation interne, selon un décret présidentiel signé lundi.

Ce texte, signé par le président de droite Ivan Duque, dote la police d'« outils » lui permettant de confisquer n'importe quelle quantité de stupéfiants, y compris la dose minimale (20 grammes pour la marijuana, un gramme pour la cocaïne, entre autres) dont la consommation était dépénalisée depuis 1994.

« Nous signons un décret qui donne les outils à la force publique, à la police pour faire disparaître la drogue des rues de nos villes, pour détruire n'importe quelle dose bien sûr », a déclaré M. Duque en signant le texte au palais présidentiel Casa de Nariño, à Bogota.

La nouvelle règle ne prévoit pas de prison pour les porteurs de drogues - que ce soit la marijuana, la cocaïne ou toute autre substance interdite -, mais la police pourra saisir les stupéfiants et imposer des amendes.

Le gouvernement a précisé dans un communiqué que « ceux auxquels sera confisquée une quantité égale ou inférieure à la dose minimale » devront démonter leur condition de toxicomane pour qu'elle leur soit rendue.

Le chef de l'État, qui a pris ses fonctions le 7 août et avait promis cette mesure pendant sa campagne électorale, l'a justifiée par la « hausse alarmante de la consommation » de drogue en Colombie, sans toutefois donner de chiffres.

Des experts, tel le centre colombien d'études juridiques et sociales Dejusticia, ont toutefois mis en cause la mesure, y voyant un recul dans la recherche de nouvelles méthodes pour enrayer les hausses de production et de consommation de drogues.

Ce décret entre dans le cadre d'un durcissement de la politique anti-stupéfiant face à l'augmentation record l'an dernier des narcoplantations et du potentiel de production de cocaïne.

Après quasiment quatre décennies de lutte contre le narcotrafic, avec l'appui et sous la surveillance des États-Unis, la Colombie reste le premier producteur mondial de cette drogue.

Les plantations illicites de coca, matière première de la cocaïne, se sont accrues de 17 % à 171 000 hectares en 2017 par rapport à l'année précédente, et la capacité de production de cocaïne a augmenté de 31 % à 1379 tonnes, soit une valeur marchande estimée à 2,7 milliards de dollars, des chiffres inédits depuis le début de ces mesures en 2001, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime.

Dejusticia et le Collectif d'étude sur les drogues et le droit (CEDD), qui regroupe des chercheurs de 11 pays du monde, ont averti des répercussions négatives du nouveau décret présidentiel.

« C'est inefficace et coûteux. Cela ne contribue pas à avancer vers une solution au problème des drogues et, au contraire, cela favorise la discrimination et la stigmatisation des personnes qui en consomment », ont dénoncé ces deux organisations dans une lettre au gouvernement.

Si la majorité de la cocaïne produite en Colombie s'exporte aux États-Unis et en Europe, la police a dénoncé une augmentation du trafic interne par des bandes du crime organisé qui s'en sont renforcées, notamment dans les principales villes du pays.