L'opposition vénézuélienne promet de réaliser samedi sa «plus grande démonstration de force» depuis le début de la vague de protestations, début avril, qui demandent le départ du président socialiste Nicolas Maduro.

Selon le tout dernier bilan du parquet, diffusé vendredi, les incidents qui entourent ces rassemblements quasi quotidiens ont fait 47 morts, dépassant désormais les 43 décès enregistrés lors la précédente grande série de défilés anti-Maduro, survenues entre février et mai 2014.

Les manifestations dégénèrent la plupart du temps en affrontements avec les forces de l'ordre, où les projectiles en tous genres et les cocktails Molotov des uns répondent aux gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc et canons à eau des autres.

Les tirs sont parfois réels, comme dans plusieurs de ces 47 décès, pour lesquels des fonctionnaires ont été arrêtés. À cela s'ajoutent des pillages et la violence exercée par les «colectivos», des groupes de civils armés par le gouvernement, assure l'opposition.

À l'occasion de ce 50e jour de manifestation depuis le 1er avril, les antichavistes (du nom du défunt ex-président Hugo Chavez, 1999-2013) entendent marquer les esprits.

«Pour ce 50e jour de résistance, nous allons organiser la plus grande démonstration de force de cette période», a déclaré Juan Andrés Mejia, un des jeunes députés qui dirige les manifestations.

L'objectif sera de «démontrer à ceux qui pensent qu'ils nous ont fait reculer, que nous sommes plus actifs que jamais, que le peuple est plus impliqué en faveur du changement», a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse.

Depuis le début des marches anti-Maduro, on compte des centaines de blessés et quelque 2200 personnes interpellées, selon l'ONG Foro Penal. Au moins 159 de ces civils ont été jugées et emprisonnées par des tribunaux militaires.

Les adversaires de Maduro dénoncent une «répression sauvage» du gouvernement socialiste, alors que le pouvoir accuse l'opposition de fomenter le «terrorisme» en vue d'un coup d'État soutenu par les États-Unis.

«Violence et mort»

Le chef de l'opposition vénézuélienne Henrique Capriles, qui a accusé jeudi les autorités de l'empêcher de quitter le pays en lui «retirant» son passeport, a annoncé qu'un de ses avocats a remis vendredi à New York un rapport sur la crise qui frappe le pays sud-américain au Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein.

M. Capriles, ancien candidat à la présidentielle, qu'il avait perdue de peu contre le chef de l'État actuel, devait faire le déplacement aux États-Unis.

Au Venezuela, la situation apparaît particulièrement tendue dans l'État de Tachira (ouest), à la frontière de la Colombie. Après une série de pillages et d'attaques contre des installations de la police et de l'armée, le président y a déployé 2600 militaires.

Selon les analystes, le défi de l'opposition sera de se maintenir dans la rue de manière pacifique, après un mois et demi de manifestations quasi interrompues.

«Le succès d'un mouvement de protestation dépend du nombre et de la durée», juge l'analyste Luis Vicente Leon qui prévient que si les défilés prennent un tour violent «ils ont moins d'impact».

Sept Vénézuéliens sur dix souhaitent le départ du président Maduro, selon les sondages, alors qu'une profonde crise économique et sociale alimente la colère populaire. Ce pays pétrolier, ruiné par la chute des cours du brut, est frappé par de graves pénuries d'aliments et de médicaments. L'inflation y est la plus élevée au monde et la criminalité incontrôlable.

L'opposition exige des élections générales anticipées et rejette la décision du chef de l'État de convoquer une assemblée constituante pour réformer la Constitution datant de 1999, estimant qu'il s'agit d'une manoeuvre pour repousser le scrutin présidentiel prévu fin 2018 et s'accrocher au pouvoir.

La procureure générale du Venezuela, Luisa Ortega, seule voix discordante au sein du camp présidentiel, a estimé que cette initiative du président ne ferait qu'aggraver la crise, selon une lettre envoyée au gouvernement et diffusée par la presse.

Vendredi, au cours d'une réunion publique, le chef de l'État a insisté sur le fait que la constituante était «le chemin pour la paix, le dialogue et le consensus», tandis que l'opposition ne proposait que «la violence et la mort».