Les Mexicains ne veulent pas y croire. Donald Trump, celui qui veut construire un mur à la frontière de leur pays, président ? Ça ne se peut pas! Au moment de publier, même si le New York Times annonçait que le candidat républicain avait plus de 95% de chances de remporter l'élection, les Mexicains gardaient espoir de voir Hillary Clinton accéder à la présidence.

« Je n'y crois pas. On ne s'attendait pas à ça du tout. Dites-moi que ce n'est pas fini. » Cesar Flores, un avocat de Mexico, regardait avec stupeur les résultats qui défilaient sur les grands écrans installés pour l'occasion au Club universitaire. Il hochait la tête chaque fois qu'un État clé tombait dans le panier de Donald Trump. Les enjeux d'une victoire du candidat républicain sont gigantesques pour son pays, dit-il.

Comme M. Flores, plus de 500 personnes s'étaient rassemblées, hier, dans le chic édifice du boulevard de la Reforma pour regarder le dépouillement du vote américain. Parmi eux, un mélange de l'élite mexicaine et de grands pans de la diaspora américaine de Mexico.

La soirée s'annonçait festive, voire mondaine. Hier matin, tous les journaux mexicains prédisaient une victoire aisée à Hillary Clinton, mais quand l'immense Floride a échappé à l'ancienne secrétaire d'État, l'inquiétude s'est soudainement installée dans la grande salle de réception, comme dans le reste du pays. « Ce n'est vraiment pas de bonnes nouvelles pour nous », constatait le Mexicain âgé de 42 ans.

À l'une des tables voisines, Hugo Vela, un journaliste d'une chaîne de télévision mexicaine, en arrivait à un constat beaucoup plus sombre. « Si c'est Trump le gagnant, le Mexique va passer une période très difficile. Et les Mexicains aux États-Unis aussi. Le peso va être dévalué. Les envois d'argent en provenance des États-Unis vont ralentir. On peut s'attendre à de l'inflation. C'est vraiment le pire des scénarios pour notre pays », a dit le jeune homme à La Presse, avant de tourner son attention vers les écrans géants où l'on annonçait qu'Hillary Clinton venait de rafler le Colorado.

Hier soir, la chute du peso lui donnait raison. En quelques heures, la monnaie mexicaine a perdu au moins 10 % de sa valeur.

PLAN DE CONTINGENCE

Pour rassurer la population, le gouvernement mexicain a annoncé cette semaine qu'il a développé un plan d'urgence dans l'éventualité d'une victoire de Donald Trump. Le ministre des Finances a notamment promis d'agir dès l'annonce des résultats finaux, qui se faisaient toujours attendre hier à l'heure de publier.

Mais cette annonce rassurait bien peu, hier, les Mexicains interrogés par La Presse. « Peut-être que si Trump gagne, le gouvernement mexicain va réaliser qu'on ne peut pas envoyer des enfants s'occuper de nos relations avec les États-Unis, ça prend des gens qui comprennent comment les institutions fonctionnent », tonnait Eddie Varon Levy, un avocat qui partage son temps entre les États-Unis et le Mexique.

RÉSULTATS ATTENDUS

Cible d'attaques répétées de la part du candidat républicain, le Mexique a suivi de très près l'élection américaine. « C'est l'élection la plus importante de toute ma vie, a dit à La Presse Larry Newell, un homme d'affaires détenant la double nationalité. Pour être franc, je n'aimais aucun des deux candidats. J'ai choisi Hillary, j'ai fait un choix pour le Mexique », a avoué l'ancien président du Club universitaire, qui accueillait une des soirées électorales les plus courues de Mexico.

Selon lui, si la victoire de Trump se confirme et que l'homme d'affaires met à exécution ses menaces de renégocier, voire de déchirer l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), le monde en entier sera en eaux troubles.

Tous ne partageaient pas ces prédictions cauchemardesques. Économiste qui a négocié l'ALENA pour le Mexique, Luis de la Calle estime qu'il sera difficile pour Donald Trump, s'il est couronné président, de mettre ses menaces à exécution. « Trump ne pourra pas faire ce qu'il veut avec le traité. Pour le renégocier, il devra obtenir l'accord du Canada et du Mexique. Et le traité revu devra être accepté par les législatures de chaque pays. Aux États-Unis, le commerce international n'est pas une compétence présidentielle, mais celle du Congrès », a dit l'expert en entrevue avec La Presse. Une mince consolation pour le deuxième partenaire commercial des États-Unis, qui craint plus que jamais de voir un mur apparaître à sa frontière.