Le président Nicolas Maduro a ordonné l'occupation lundi de l'usine de l'entreprise américaine Kimberly-Clark au Venezuela, mettant en pratique sa menace d'intervenir sur les firmes qui cessent leurs activités en raison de la crise économique.

L'usine Kimberly-Clark de Maracay, ville située à une centaine de kilomètres à l'ouest de Caracas, avait annoncé samedi qu'elle cessait sa production d'articles d'hygiène en raison de la détérioration des conditions économiques au Venezuela.

La mesure d'occupation a été annoncée publiquement lundi dans l'entreprise même par le ministre du Travail Oswaldo Vera, qui a assuré que le gouvernement répondait ainsi à une demande des employés de l'usine.

«Nous décrétons l'occupation immédiate de l'entreprise Kimberly-Clark Venezuela par les travailleurs», a déclaré M. Vera, signant un document à cet effet sous les vivats du personnel.

Le ministre a ordonné le redémarrage des machines. «À partir d'aujourd'hui, Kimberly-Clark rouvre ses portes et reprend sa production», a-t-il annoncé.

«Usine arrêtée, usine occupée»

La prise de contrôle de cette usine est un début d'application de la menace lancée il y a deux mois par M. Maduro aux entreprises qui voudraient cesser leurs activités en raison de la crise. «Usine arrêtée, usine occupée par la classe ouvrière», tel était le slogan qu'il avait alors lancé.

Selon le président vénézuélien, les difficultés économiques actuelles font partie d'un plan de ses adversaires pour déstabiliser son pouvoir.

Le ministre du Travail a réitéré lundi l'avertissement de M. Maduro aux entreprises.

«Bienvenue au secteur des affaires qui veut accompagner le gouvernement, mais une entreprise qui sera fermée sera une entreprise qui sera occupée et ouverte par les travailleurs et le gouvernement révolutionnaire», a déclaré M. Vera.

Le Venezuela connaît une grave crise économique depuis la chute des cours du pétrole, dont il tire l'essentiel de ses revenus. Près de 80% des produits de première nécessité sont désormais quasi-introuvables, selon des organismes privés.

Le pays est en outre plongé dans une profonde crise politique. L'opposition, majoritaire au Parlement depuis les dernières élections législatives, réclame la tenue d'un référendum pour révoquer le président Maduro.

M. Maduro est l'héritier et le successeur de Hugo Chavez, qui fut le président du Venezuela de 1999 à son décès en 2013 et le leader de la gauche radicale latino-américaine.

Kimberly-Clark a annoncé samedi qu'elle cessait ses activités au Venezuela en raison d'un «manque de devises» pour acheter les matières premières. Elle a aussi souligné «l'augmentation rapide de l'inflation», qui a été de 180,9% en 2015 et que le Fonds monétaire international (FMI) évalue pour 2016 à 720%.

Selon Fedecamaras, le principal organisme patronal du Venezuela, plus de 85% de l'industrie vénézuélienne était paralysé en mai dernier par manque de matières premières.

Un strict contrôle des changes est en vigueur depuis 2003 au Venezuela, dans le cadre duquel l'Etat monopolise les devises. L'accès du secteur privé aux devises a été très restreint par la chute des prix du pétrole, source de 96% des entrées de devises dans le pays.

Kimberly-Clark, installée au Venezuela depuis plus de 20 ans, a déclaré que les conditions actuelles rendaient «impossible» le fonctionnement de son usine de Maracay.

L'entreprise, qui fabrique entre autres du papier hygiénique et des couches, a ajouté que «si les conditions changeaient», elle étudierait «la viabilité» d'une reprise de ses activités au Venezuela.

Lundi, l'entreprise a réagi à l'occupation de son usine en déclarant dans un communiqué que désormais le gouvernement «sera responsable» du personnel et des installations.

Plusieurs autres firmes internationales installées au Venezuela ont elles aussi suspendu leurs activités ces derniers temps, brièvement ou pour une durée indéfinie.

Coca Cola a suspendu en mai en raison du manque de sucre une grande partie de sa production locale, qu'elle a reprise en juin. Les groupes américains Kraft Heinz et Clorox ont également arrêté leurs activités.

«Blocus financier»

Dans son intervention de lundi, M. Maduro a par ailleurs affirmé, sans précisions, que la banque américaine Citibank allait fermer le compte que la banque centrale du Venezuela utilise pour ses paiements internationaux.

Il a déclaré que le Venezuela était la cible d'un «blocus financier» mais qu'il saurait y résister.

«Vous croyez que vous allez nous arrêter en déclenchant un blocus financier ? Non, messieurs, personne n'arrête le Venezuela. Avec Citibank ou sans Citibank, nous avançons. Avec Kimberly ou sans Kimberly, le Venezuela avance», a lancé M. Maduro.