Le pape François est arrivé vendredi après-midi à Cuba pour une rencontre historiqueavec le patriarche orthodoxe russe Kirill, avant cinq jours intenses au Mexique où il plaidera pour les droits des immigrés et contre la violence endémique.

L'avion papal avait décollé de l'aéroport de Rome-Fiumicino peu avant 8 h (2 h à Montréal).

L'escale de La Havane représente la première rencontre entre un chef de l'Église catholique et le patriarche de la plus importante des Églises orthodoxes (plus de 130 millions des 250 millions d'orthodoxes) depuis le schisme entre Églises d'Orient et d'Occident en 1054.

Le pape, accueilli par le président cubain Raúl Castro, s'entretiendra à l'aéroport avec le patriarche, avant que les deux hommes signent une longue déclaration commune qui devrait évoquer les persécutions contre les chrétiens - orthodoxes comme catholiques - au Moyen-Orient et la défense des valeurs chrétiennes dans le monde.

La rencontre, que le Vatican tentait d'organiser en vain depuis des décennies, a été tenue secrète jusqu'au dernier moment tant les résistances étaient grandes au sein du patriarcat.

«La Russie peut donner beaucoup» pour la paix mondiale, a déclaré le pape dans une récente interview, en faisant état de «convergences» dans l'analyse des «Printemps arabes».

Les liens étroits entre le patriarcat et le Kremlin donnent aussi à la rencontre une dimension stratégique : «À l'arrière-plan, il y a un troisième protagoniste», le président russe Vladimir Poutine, que le pape a reçu deux fois, analyse sur son blogue le vaticaniste Marco Politi.

«Il serait ingénu de penser que la soudaine disponibilité du patriarche n'est pas liée à la situation de la Russie dans ce moment géopolitique», estime Marco Politi, citant en particulier le rôle que Moscou veut jouer, avec Washington, «dans la stabilisation de la situation syrienne et dans l'endiguement du terrorisme djihadiste».

Un porte-parole du patriarcat, Alexandre Volkov, a démenti ces analyses, en «garantissant à 100 % que la rencontre n'a rien à voir avec la politique». Il a espéré «de nouvelles perspectives de coopération mutuelle» entre orthodoxie russe et catholicisme, sans pour autant parler d'une étape vers «l'unité» entre les deux Églises.

Méfiance à l'égard d'une Église catholique perçue comme prosélyte, crise ukrainienne où les grecs-catholiques ont pris le parti de Kiev contre les pro-Russes : les rancoeurs ne manquent pas envers Rome, même si le Saint-Siège a évité de condamner ouvertement la politique de M. Poutine en Ukraine.

Plaidoyer contre la violence

Après son rendez-vous à Cuba, le pape est attendu à 19 h 30 heure locale à Mexico, où il devrait être accueilli par des centaines de milliers de fidèles sur les 18 km du trajet entre l'aéroport et la nonciature. Durant les cinq jours de la visite, des millions de fidèles du deuxième pays le plus catholique (près de 100 millions de baptisés) chercheront à l'apercevoir lors de ses nombreux trajets en papamobile, surveillés par 13 250 policiers.

La violence multiforme - une mutinerie a fait jeudi au moins 52 morts dans une prison de Monterrey (nord-est) -, la corruption et le sort des migrants qui traversent le Mexique pour se rendre aux États-Unis seront les thèmes forts du voyage.

Selon des chiffres remis au pape en décembre par des ONG, 80 000 personnes sont mortes et 26 000 autres portées disparues dans les violences au Mexique depuis 2006.

Ce voyage est le douzième à l'étranger pour le pontife argentin, et le septième d'un pape au Mexique, après les cinq visites de Jean Paul II, véritable héros national, et celle de Benoît XVI en 2012.

François, qui ne se laisse pas dicter ses destinations, a voulu se rendre lors de ce voyage dans quelques-unes des régions les plus violentes d'Amérique latine et du monde : depuis le Chiapas, à la frontière du Guatemala, jusqu'à Ciudad Juárez, aux portes du Texas.

En touchant les frontières sud et nord du pays, par où entrent et repartent les migrants en route vers les États-Unis, le pape devrait reprendre l'un de ses thèmes prioritaires : l'accueil de ces personnes vulnérables souvent enlevées, tuées, rançonnées ou enrôlées par les gangs.

En pleines primaires américaines, alors que certains candidats républicains emploient un langage xénophobe, le pape cherchera aussi à faire entendre sa voix au nord du Rio Grande.