Un juge guatémaltèque a décrété mardi le placement en détention provisoire de l'ex-président Otto Pérez, mis en examen pour corruption, six jours après sa démission dans un contexte de fortes protestations populaires.

«Il est prudent d'ordonner la détention provisoire», a déclaré le juge Miguel Angel Galvez, après avoir mis en examen l'ex-dirigeant conservateur, arrivé au pouvoir en 2012, pour association de malfaiteurs, fraude douanière et corruption passive.

Le juge a expliqué que, plus qu'une fuite de M. Pérez, il redoutait une possible obstruction à l'enquête.

Dans son argumentation, le magistrat a cité les écoutes téléphoniques de membres d'un réseau de fraude fiscale et corruption au sein des douanes, dans lesquelles apparaissent les mentions du «numéro un» et de «la numéro deux» du réseau.

Selon l'accusation, le «numéro un» fait référence à Otto Pérez, «la numéro deux» à son ancienne vice-présidente Roxana Baldetti, déjà en détention provisoire dans cette affaire.

Le parquet les soupçonne d'avoir touché 800 000 dollars chacun en pots-de-vin entre mai 2014 et avril 2015, pendant que le réseau détournait 3,8 millions.

Otto Pérez, un ex-général de 64 ans, avait commencé à être entendu par le juge jeudi dernier et il était depuis en détention à la prison militaire de Matamoros, dans le centre de la capitale.

Il y restera désormais jusqu'au 21 décembre, jour de la prochaine audience devant le juge, qui décidera de l'ouverture éventuelle d'un procès.

«Je ne comprends pas pourquoi je suis mis en examen», a réagi Otto Pérez, le visage marqué, devant les journalistes.

«Il n'y a aucune preuve» et «il sera prouvé que je n'ai absolument rien à voir avec cela», a-t-il ajouté.

«Je me sens tranquille car je suis sûr de n'avoir participé à aucun réseau criminel», a-t-il encore insisté, avant de quitter le tribunal, entouré de policiers.

Le placement en détention provisoire de M. Pérez survient deux jours après le premier tour de l'élection présidentielle, qui a placé en tête un acteur comique sans expérience politique, Jimmy Morales, reflet de l'exaspération populaire sans précédent envers la corruption et la classe politique traditionnelle.

Mardi après-midi, 98,77% des bulletins avaient été dépouillés, les résultats définitifs étant attendus d'ici quatre jours.

Jimmy Morales, 46 ans, du parti FCN-Nacion (droite), est crédité de 23,87% des voix, et l'ex-Première dame Sandra Torres, 59 ans, de l'Union nationale de l'espoir (UNE, social-démocrate), revendique la deuxième place, avec 19,73% des suffrages.

Longtemps favori, l'homme d'affaires millionnaire Manuel Baldizon, 45 ans, du parti Liberté démocratique (Lider, droite), a dit mardi attendre encore les résultats définitifs, alors qu'il est crédité pour l'instant de 19,63% des voix.

Le second tour aura lieu le 25 octobre, dans un climat de fortes revendications de la population qui réclame des réformes de la loi électorale et des partis pour assainir le système.

Mais le paysage qui se dessine au Parlement après ce scrutin, qui visait aussi à renouveler les 158 députés et 338 maires, n'est guère encourageant : les résultats quasi définitifs placent en tête deux partis traditionnels, Lider puis UNE, qui ne seront peut-être pas enclins à porter les réformes demandées.