À la mi-journée, les Haïtiens étaient peu nombreux à s'être rendus aux urnes pour les élections législatives qui ont été l'occasion d'incidents parfois violents, provoquant la fermeture anticipée de dizaines de bureaux.

Dans la matinée, au moins trois centres de votes ont été saccagés dans la capitale Port-au-Prince, les urnes jetées à terre et les bulletins déchirés par des individus encore non identifiés, a constaté une journaliste de l'AFP.

Frantz Lerebours, porte-parole de la police nationale d'Haïti, a indiqué à la mi-journée que, sur l'ensemble du pays, 26 centres de vote ont fermé leurs portes en avance suite à des violences aux abords ou à l'intérieur. Ces centres, installés dans des établissements scolaires, regroupent chacun plusieurs dizaines de bureaux de vote.

Ces élections législatives sont le premier scrutin organisé en Haïti depuis l'arrivée au pouvoir du président Michel Martelly en mai 2011.

Avec près de quatre années de retard, les 5,8 millions d'électeurs sont appelés à élire l'ensemble de leurs députés et deux tiers du Sénat, dans le pays le plus pauvre de la Caraïbe et du continent américain. Plus de 1800 candidats sont en lice pour les 139 postes parlementaires à pourvoir ce dimanche lors d'un scrutin.

«Même s'il y a eu des incidents dans quelques centres de vote, en général les problèmes se corrigent,» a déclaré à l'AFP Elena Valentiano, chef de la mission d'observation électorale de l'Union européenne.

Constatant une faiblesse de la participation, la parlementaire européenne indique qu'«il faut faire un appel aux Haïtiens pour qu'ils exercent leur droit de vote, qui est finalement leur voix pour savoir quel futur ils veulent pour leur pays une bonne fois pour toutes».

Important retard 

Nombre de bureaux à travers le pays ont ouvert avec un important retard. En cause, la médiation impossible entre les mandataires des partis politiques.

Légalement, tout candidat au poste de député ou sénateur peut être représenté par un mandataire dans les bureaux de vote de sa circonscription. Mais l'abondance de prétendants aux postes parlementaires rend impossible cette observation dans des locaux exigus.

«Nous autorisons cinq représentants de partis politiques à assister simultanément aux opérations électorales dans un bureau», avait indiqué Pierre-Louis Opont, le président du CEP, lors d'une conférence de presse jeudi. «C'est aux mandataires de réaliser un tirage au sort pour déterminer un roulement dans leur travail d'observation.»

Mais ces arrangements informels ont été source de nombreux conflits depuis l'ouverture des bureaux de vote dans la capitale comme en province.

«Ils ne nous laissent pas entrer», hurle une femme en parlant des membres du bureau de vote de Port-au-Prince où son parti l'a affectée. «Ils ont choisi les mandataires du PHTK [parti présidentiel], de Bouclier [proche du pouvoir, NDLR) et de Vérité [parti proche de l'ancien chef d'État René Préval, NDLR) et disent maintenant qu'il n'y a plus de place. Ce n'est pas acceptable, ils veulent voler l'élection.»

Le porte-parole du conseil électoral provisoire (CEP) s'est cependant déclaré optimiste. «Nous constatons les ouvertures tardives, causées surtout par l'arrivée tardive du personnel affecté aux bureaux de vote», a expliqué Richardson Dumel à l'AFP, «mais nous allons rattraper ce retard au cours de la journée».

En raison d'une crise profonde entre le président Michel Martelly et l'opposition, aucun scrutin n'a pu être organisé dans le pays depuis 2011, alors que le pays peine toujours à se relever du terrible séisme de 2010, qui a encore aggravé une situation économique et sociale déjà catastrophique.

Craignant des violences, la police nationale a mobilisé plus de 7000 agents à travers le pays et la Mission de stabilisation en Haïti de l'ONU (MINUSTAH) est également prête à offrir son soutien.

Samedi, la police a interpellé dans le centre du pays une vingtaine de personnes pour port d'arme illégal.

Dans la soirée de samedi, Michel Martelly avait lancé un appel au calme. Le président de la République est allé voter vers midi en compagnie de sa femme dont la candidature au sénat avait été refusée par le CEP à cause de la double nationalité de la première dame.

M. Martelly n'a pas souhaité commenter les incidents qui ont émaillé cette première journée de vote qui se tient en Haïti depuis son arrivée au pouvoir.

À l'arrivée et au départ de son imposant cortège de véhicules 4x4, les jeunes regroupés devant le centre de vote n'ont pas caché leur colère contre le pouvoir en place, scandant insultes et slogans hostiles au chef de l'État.