Des Guatémaltèques écoeurés par les scandales de corruption sont appelés à élire leur président et leurs députés dans un mois, dans un climat de franche hostilité envers la classe politique, certains observateurs craignant même des violences.

«Nous sommes en présence d'un contexte politique, institutionnel et électoral atypique et complexe, qui n'a jamais été observé», déclare à l'AFP Marcio Palacios, directeur de l'École de sciences politiques de l'Université publique de San Carlos.

Selon lui, les partis «vont subir un vote sanction, de rejet et d'indignation» et cela pourrait donner lieu à des violences.

«Le peuple n'en peut plus et il peut y avoir des explosions de violence en raison du mécontentement. Nous sommes inquiets d'un possible séisme social s'il n'y a pas de changements» pour combattre la corruption, poursuit M. Palacios.

Quelque 7,5 millions de Guatémaltèques, sur 15,5 millions d'habitants, sont appelés aux urnes le 6 septembre pour désigner le successeur du président conservateur Otto Pérez, un général à la retraite au pouvoir depuis 2012, ainsi que 158 députés et 338 maires.

La campagne se déroule dans un climat délétère, provoqué par le démantèlement d'un réseau de corruption au sein de l'administration fiscale, qui a provoqué la chute de la vice-présidente Roxana Baldetti.

Fraude aux douanes

Tout a éclaté au grand jour le 16 avril, quand les autorités, enquêtant avec l'appui d'une commission de l'ONU contre l'impunité, ont placé en détention le directeur des impôts et de nombreux autres fonctionnaires, accusés d'avoir touché des pots-de-vin pour exonérer des importateurs de frais de douane.

L'enquête a désigné Juan Carlos Monzon, ancien secrétaire particulier de la vice-présidente, actuellement en fuite, comme étant la tête du réseau. Et depuis cette date, plusieurs autres anciens responsables ont été placés sous les verrous.

Un mois plus tard, ce sont les présidents de la Banque centrale, Julio Suarez, et de la Sécurité sociale, Juan de Dios Rodriguez, ami intime du président Pérez, qui ont été arrêtés dans l'enquête sur l'attribution suspecte d'un contrat d'achat de médicaments.

L'accumulation de scandales a jeté dans les rues du Guatemala des milliers de citoyens dégoûtés, réclamant notamment la démission du président.

«Je vais voter pour Pierre Loto (nom fictif, NDLR), parce qu'il n'y a personne de bien, ce sont tous des voleurs et le bulletin sera comme un billet de loto, avec le nombre de candidats qu'il y a», affirme à l'AFP, sarcastique, Ema Arreola, femme au foyer de la ville de Guatemala.

«Pour l'instant, je ne sais pas pour qui voter. Et même, je pense à ne pas y aller parce que ça m'angoisse de voter pour ces voleurs», renchérit Luisa Martinez, vendeuse de fruits de la capitale, confiant que c'est la première fois qu'elle ressent un tel désintérêt avant un scrutin.

Candidats suspectés

Une autre enquête, pour blanchiment d'argent, vise Edgar Barquin, ex-patron de la Banque centrale et candidat à la vice-présidence pour le parti Liberté démocratique (droite), au côté de Manuel Baldizon, favori des sondages.

Et des candidats à la députation sont également dans le collimateur de la justice.

Le dernier sondage publié, datant du mois de mai, accordait 30% des intentions de vote à M. Baldizon. Et presque 25% des électeurs affirmaient s'apprêter à voter blanc ou nul.

Sur les 14 tickets présidentiels, un seul est de gauche, formé par l'ex-guérilla et le parti du prix Nobel de la paix Rigoberta Menchu. Mais ses chances sont inexistantes, dans un pays qui souffre de la corruption, d'une violence et d'une pauvreté records, et qui n'a pas eu de gouvernement de gauche depuis 1954.

Dans un récent rapport, la Commission de l'ONU contre l'impunité au Guatemala (Cicig) dénonçait le financement de candidats par des organisations criminelles et des trafiquants de drogue dans le but d'obtenir des protections, des informations et des postes dans les administrations.

Malgré cette situation accablante, les partis en lice pour ce 6 septembre n'ont pas fait de propositions «sérieuses et solides» pour combattre le fléau de la corruption, dénonce Helmer Velasquez, responsable du collectif citoyen Mirador Electoral («Vigie électorale»), pronostiquant une forte abstention.

Les électeurs «se rendent compte qu'ils sont appelés à élire à nouveau un corrompu pour quatre ans de plus», résume l'ancien ministre des Affaires étrangères Edgar Gutiérrez.