La disparition récente de 43 étudiants et la découverte de fosses communes clandestines dans l'État de Guerrero, au Mexique, soulèvent l'indignation au pays comme à l'étranger. Sous pression, le président Enrique Peña Nieto a promis hier qu'«il n'y aurait pas d'impunité» pour les coupables de ce crime. Notre collaboratrice fait le point sur cette tragédie en cinq questions.

Comment 43 étudiants ont-ils disparu?

Le vendredi 26 septembre, des étudiants de l'École normale d'Ayotzinapa, dans le Guerrero, se rendent à Iguala (à 100 km de leur école) pour, selon leurs dires, manifester et récolter des fonds. Après la manifestation, les jeunes s'emparent de trois autobus publics pour rentrer chez eux. Des policiers municipaux et de supposés membres du crime organisé ouvrent alors le feu: la fusillade fait 6 morts, 25 blessés et 57 disparus. Quatorze étudiants réapparaissent quelques jours plus tard, portant le bilan des disparus à 43. Une trentaine de personnes sont arrêtées dans cette affaire, soit 22 policiers et des membres supposés du crime organisé.

Près d'une semaine après la fusillade, le procureur de l'État du Guerrero, Iñaky Blanco, annonce que six fosses communes clandestines ont été découvertes près d'Iguala. Selon ce procureur, deux des détenus ont avoué avoir capturé et tué 17 étudiants avant de les enfouir dans des fosses communes. L'histoire a fait le tour de la planète.

Le président Enrique Peña Nieto est sorti de son mutisme hier. «Je regrette tout particulièrement la violence qui a été employée et surtout le fait qu'il s'agisse de jeunes étudiants», a-t-il souligné. Il a promis que les auteurs du crime seraient punis.

Que faisaient ces étudiants à Iguala?

Les étudiants d'Ayotzinapa affirment s'être rendus à Iguala pour manifester contre la récente réforme de l'éducation et pour récolter des fonds. Or Iguala est une ville violente, un lieu stratégique pour le trafic de la drogue. «C'est une zone de transit pour le transport de la cocaïne et des amphétamines. Plusieurs cartels de la drogue s'y font la lutte pour contrôler à la fois les routes, mais aussi pour acheter le pouvoir politique», souligne Jorge Hernández Tinajero, politologue spécialiste du narcotrafic.

«Avec la présence accrue des soldats sur le territoire et la corruption des élus, plusieurs groupes activistes se radicalisent et manifestent pour dénoncer ces injustices, ajoute-t-il. C'était le cas pour ces étudiants», indique le spécialiste.

Jusqu'à quel point la collusion entre la police et le crime organisé est-elle un problème?

Selon le journaliste et spécialiste des questions du narcotrafic, Ricardo Rivero, Guerrero est non seulement l'un des États les plus violents du pays, mais aussi l'un de ceux où les élus et les forces policières sont les plus corrompus. «Au Guerrero, le pouvoir du crime organisé est plus fort que celui de l'État. Quand l'État perd de son pouvoir, les policiers font ce qu'ils veulent: ils s'associent au crime organisé, ils peuvent tuer, séquestrer, violer...», note-t-il.

Au lendemain de la fusillade, le maire d'Iguala, José Luis Abarca, a pris la fuite, ce qui laisse croire, selon certains spécialistes, qu'il savait que le crime organisé avait infiltré la police.

Pourquoi le crime organisé est-il un fléau dans cette région plus qu'ailleurs?

Selon Ricardo Rivero, la pauvreté extrême dans laquelle vit la majeure partie de la population du Guerrero, le manque d'éducation, ainsi que le manque d'emplois sont tous des facteurs qui renforcent le pouvoir du crime organisé dans cette région. «La pauvreté et la misère poussent les gens vers la délinquance. Les jeunes de la région sont très peu instruits et, avant de se chercher un emploi, ils vont tenter d'entrer dans un groupe criminel. Ils savent qu'ils vont ainsi faire beaucoup d'argent», décrit Ricardo Rivero.

Où en est la guerre au narcotrafic?

En 2006, le gouvernement conservateur de Felipe Calderón a déployé des soldats aux quatre coins du pays pour faire la guerre au crime organisé. Des spécialistes estiment que cette lutte ne porte pas ses fruits. «Ce qu'on vient de voir à Iguala démontre que rien n'a changé, explique le politologue Jorge Hernández Tinajero. Il n'existe pas d'État de droit au Mexique: l'utilisation de la violence est l'unique façon de combattre la violence. Aucun parti, malheureusement, n'est enclin à réellement réformer l'État pour qu'il soit démocratique et que l'on respecte les droits des citoyens.»