Les autorités mexicaines prévoyaient vendredi la mise en liberté rapide de «Mama Rosa», directrice du foyer objet d'une intervention policière pour de graves abus contre des centaines de mineurs, tandis que montent les critiques contre le «lynchage» de l'octogénaire, figure jusqu'alors respectée de la bienfaisance sociale.

La libération de Rosa del Carmen Verduzco, directrice et fondatrice du foyer «La Grande Famille» de Zamora, dans l'ouest du Mexique, n'est plus qu'une «question d'heures», a déclaré le directeur des enquêtes criminelles du ministère de la Justice, Tomas Zeron.

Le responsable a rappelé que la police fédérale et l'armée étaient intervenues mardi à la suite de cinq plaintes pour privation de liberté de mineurs et avait trouvé au sein du foyer 600 jeunes, dont plus de 400 mineurs, dans «une situation d'insalubrité impressionnante».

«Il y avait des enfants battus, des enfants qui étaient enfermés (...) on les laissait punis pendant des jours, on ne leur donnait pas à manger», a-t-il rappelé.

Mais la presse mexicaine a publié vendredi une protestation signée par 25 intellectuels de renom dénonçant les conditions dans lesquelles avait été menée l'opération.

«Les autorités ont eu recours à la force publique et ont présenté des accusations devant la presse et la télévision avant de les présenter devant le pouvoir judiciaire», selon les signataires parmi lesquels figurent le prix Nobel de littérature français Jean-Marie Le Clézio, l'écrivaine mexicaine Elena Poniatowska et le poète Javier Sicilia, initiateur d'un mouvement de protestation contre la violence criminelle au Mexique.

Manifestation de soutien

La veille, quelque 200 personnes avaient manifesté en tenue blanche à Zamora et derrière une banderole proclamant «Je suis aussi un enfant de Rosa».

Interrogé sur ces soutiens à «Mama Rosa», M. Zeron a répondu: «Il y a des vérités des deux côtés: le travail du foyer, à une époque a été bon, cependant aujourd'hui cette dame a 80 ans et avoir le contrôle de 500 personnes... je crois qu'en cours de route elle a un peu perdu le contrôle».

M. Zeron a estimé qu'il y avait eu «un manque de contrôle interne, mais aussi externe», une allusion à l'absence de supervision des autorités régionales ou fédérales depuis des dizaines d'années.

À l'heure actuelle, huit personnes ont déposé devant les enquêteurs, dont quatre «liées à un processus de privation de liberté et il y a en aura probablement encore deux dans ce cas».

Mais «il y a aussi des personnes qui courageusement et de manière responsable ont agi pour prendre soin des enfants et ces personnes il faudra les féliciter plus que les juger», a nuancé M. Zeron.

Véritable institution à Zamora, Rosa Verduzco est issue d'une riche famille d'industriels de cette ville de l'État du Michoacan.

Cette femme au caractère fort s'est consacrée depuis l'âge de 13 ans à l'accueil des enfants sans foyer ou des délinquants afin de les éduquer, gagnant l'admiration de politiques comme le président Vicente Fox (2000-2006), qui lui a également apporté son soutien dans les réseaux sociaux.

«La Chef»

«Rosa est une femme courageuse, au caractère fort comme une bonne maman qui veut éduquer, mais qui crie souvent et parle mal», a expliqué à l'AFP Lupita Mendez, ancienne secrétaire du pédiatre décédé qui s'occupait quotidiennement des enfants du foyer.

Dans sa ville natale de Zamora, tout le monde connaissait son pouvoir et son influence. La «Chef» était autant vénérée par ceux qui reconnaissent ses efforts incessants pour recueillir les enfants des rues que crainte en raison de ses méthodes autoritaires.

À Zamora, il était courant que les parents disent à leurs enfants: «Su tu ne te conduis pas bien, je te conduirai chez Mama Rosa».

L'institution «La Grande Famille», qu'a pu visiter jeudi une équipe de l'AFP, est aujourd'hui un endroit crasseux et malodorant, où les jeunes vivaient dans un climat marqué par la peur et la sévérité des châtiments.

Les autorités pensent maintenant qu'avec l'âge, Mme Verduzco a perdu le contrôle de son internat. Nombreux sont ceux qui se demandent aussi depuis combien de temps la situation s'est dégradée et pourquoi les autorités ne s'en sont pas préoccupées avant.