Les Chiliens retournent aux urnes dimanche lors du second tour de la présidentielle qui devrait entériner la victoire et le retour à La Moneda de la socialiste Michelle Bachelet face à sa rivale conservatrice Evelyn Matthei.

Michelle Bachelet, 62 ans, médecin de formation et première femme élue à la tête d'un pays sud-américain en 2006, s'est largement imposée lors du premier tour il y a un mois avec 46,6% des voix face à huit autres candidats.

Mais elle n'a pu passer la barrière espérée des 50% plus une voix nécessaires pour sceller sa victoire face à sa rivale conservatrice, Evelyn Matthei, 60 ans, ex-ministre du Travail du gouvernement du sortant Sebastián Piñera.

Elle devrait l'emporter au second tour «avec 60% des votes», estime pour l'AFP le politologue de l'Université Adolfo Ibánez, Cristóbal Bellolio.

L'ex-présidente socialiste «pourrait atteindre un pourcentage historique de 60% des voix», renchérit Marta Lagos, directrice de Latinobarómetro Chile, un centre d'études d'opinion.

Les bureaux de vote ouvrent de 8 h locales (6 h à Montréal) à 18 h (16 h à Montréal) et plus de 13 millions de Chiliens sont appelés à voter.

«Aux environs de 19 h 45 (17 h 45 à Montréal), près de 90% des votes seront comptabilisés et nous connaitrons le nom de la prochaine présidente du pays», a déclaré le directeur du Service Electoral, Patricio Santamaría.

Toutefois l'abstention, qui a dépassé 50% au premier tour, pourrait s'accentuer, alors que le vote n'est plus obligatoire au Chili.

L'importante avance de Bachelet, la proximité des fêtes de fin d'année et des grandes vacances scolaires ainsi que l'absence d'enjeu réel devraient contribuer à une faible participation.

«C'est une élection qui se tient dans des conditions sans précédent, rarement le résultat d'un second tour aura été aussi clairement prévisible», relève Cristobal Bellolio.

Le seul sondage réalisé  par l'Université de Santiago et l'institut de sondage Ipsos publié la semaine dernière indique que Mme Bachelet l'emporterait par 64% des voix, contre 33% à Mme Matthei.

L'ex-ministre, ancienne député et sénatrice, a reconnu lors de la clôture de sa campagne qu'il s'agissait d'un combat de «David contre Goliath», estimant qu'une victoire face à la candidate socialiste relèverait du «miracle».

Mme Bachelet, a, quant à elle, d'ores et déjà endossé son futur rôle, qualifiant d'«immense l'honneur de redevenir Présidente des Chiliens».

Les deux femmes qui s'affrontent dans un duel électoral sans précédent en Amérique latine ont en outre la particularité de partager un passé commun.

Filles de généraux de l'Armée de l'air qui étaient des amis proches, elles ont partagé les jeux de l'enfance et l'ambiance familiale d'une base militaire.

Mais le coup d'État qui a installé la dictature d'Augusto Pinochet en 1973 changera leur vie à tout jamais. Alberto Bachelet fut torturé à mort pour sa fidélité à l'égard du président déchu Salvador Allende. De son côté, Fernando Matthei rejoint la junte militaire.

La mort de son père après des mois de détention et de torture marquera profondément sa fille Michelle et déterminera l'engagement politique qui la conduit aujourd'hui pour la deuxième fois à la présidentielle.

Après un premier mandat (2006-2010) achevé sur une cote de popularité intacte, ce médecin de formation a passé trois ans à la tête de l'ONU-Femmes à New York.

Appuyée par une large coalition de gauche qui a raflé la majorité des sièges (67 sur 120) aux élections parlementaires du 17 novembre, la candidate socialiste est consciente des attentes de la société chilienne, en particulier les jeunes.

Elle propose de mettre en marche d'importants changements portant notamment sur une révision de la Constitution héritée de la dictature et une réforme fiscale qui permettrait de recueillir 8,2 milliards de dollars consacrés à une importante refondation du système éducatif.

La nouvelle présidente du Chili héritera d'une économie un peu essoufflée avec le ralentissement de l'économie mondiale et la baisse des prix du cuivre.

Mme Bachelet devra en outre affronter des revendications sociales lancées par les mouvements étudiants qui ont déjà annoncé leur mobilisation en 2014 pour réclamer une éducation publique gratuite et de qualité.

«Aucun candidat n'a pu présenter un programme de gouvernement qui prenne en charge les demandes de ces dernières années», indique notamment un communiqué de la Confédération des étudiants du Chili, qui a annoncé une grande manifestation quatre jours après l'investiture du 11 mars 2014.