La nouvelle année promet encore une fois d’être riche en rebondissements, pour le meilleur et pour le pire. La Presse met en relief la situation de quelques pays susceptibles de retenir l’attention.

Ukraine

L’offensive militaire russe contre l’Ukraine et la réponse déterminée du régime du président Volodymyr Zelensky et de la population du pays ont marqué les esprits en 2022 et continueront de le faire. Maria Popova, politologue de l’Université McGill, pense que les troupes ukrainiennes, après avoir repris en novembre la zone de Kherson, se préparent à repartir à l’offensive en vue de tenter de récupérer les territoires toujours occupés par Moscou, en particulier dans le sud du pays. Les Ukrainiens devront continuer en parallèle à composer avec les attaques du régime russe contre l’infrastructure énergétique du pays, qui sont appelées à devenir de moins en moins efficaces, note Mme Popova, à mesure que la qualité des systèmes de défense antiaérienne fournis à Kyiv s’améliore. L’armée russe n’a pas dit son dernier mot et préparerait même pour les premiers mois de l’année une nouvelle offensive susceptible de cibler la capitale, ont prévenu peu avant Noël les dirigeants ukrainiens en pressant leurs alliés de ne pas baisser la garde.

Iran

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Les manifestations se poursuivent en Iran à la suite de la mort de Mahsa Amini, morte le 16 septembre en détention après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique.

La rébellion de femmes iraniennes retirant leur foulard pour braver les diktats de la République islamique s’est transformée en soulèvement à grande échelle qui ne montre aucun signe d’essoufflement. Le politologue d’origine iranienne Houchang Hassan-Yari, qui est rattaché au Collège militaire royal du Canada, pense que la réponse musclée des autorités, incluant l’exécution de jeunes protestataires, ne fait que renforcer la détermination de la population. « La peur qui existait auparavant a disparu », relève l’analyste, qui voit mal comment le régime pourra survivre à terme à la crise. Les manifestations compliquent par ailleurs les efforts des dirigeants iraniens pour faire lever les sanctions internationales liées au programme nucléaire du pays. Ali Vaez, qui suit le dossier pour l’International Crisis Group, note que les États-Unis et l’Union européenne sont rétifs à traiter avec le régime à ce sujet alors qu’il réprime activement sa population. En l’absence d’accord, Téhéran joue la ligne dure et poursuit l’enrichissement d’uranium à un niveau s’approchant de plus en plus du seuil requis pour produire l’arme nucléaire, souligne M. Vaez. Il n’écarte pas la possibilité que l’impasse mène à une attaque israélienne, soutenue par Washington, contre les infrastructures nucléaires iraniennes. « Le statu quo actuel – pas d’entente, pas de crise – n’est pas soutenable pour l’année à venir », prévient-il.

Haïti

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Le gouvernement haïtien souhaite une intervention militaire internationale dans le pays pris en otage par des gangs qui sèment la terreur.

Les gangs de rue qui font la pluie et le beau temps à Port-au-Prince et dans sa région ont sensiblement renforcé leurs sources de financement et sont en position de poursuivre leur action sans égard aux diktats de membres de l’élite politique les ayant longtemps utilisés pour faire avancer leurs intérêts. Diego Da Rin, un analyste de l’International Crisis Group ayant récemment séjourné en Haïti, pense que les pays occidentaux ont créé un précédent important en ciblant par des sanctions certains des politiciens en cause, mais prévient que l’autonomie accrue des gangs signifie que la problématique de l’insécurité demeure entière. Elle a pris une acuité criante durant l’année lors du blocage d’un important terminal pétrolier orchestré par le G9, un regroupement de gangs chapeauté par un ex-policier. L’envoi d’une force d’intervention internationale, activement considéré par Washington et Ottawa, est souhaité par le premier ministre par intérim, Ariel Henry, mais ne pourra se concrétiser s’il ne réussit pas à s’entendre avec l’opposition en vue de jeter les bases d’un gouvernement de transition susceptible de préparer le terrain à la tenue de nouvelles élections, prévient M. Da Rin. La population elle-même demeure largement réservée par rapport à une telle intervention, notamment, souligne l’analyste, parce que les initiatives passées n’ont pas donné de résultats probants.

Éthiopie

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Depuis novembre 2020, un conflit meurtrier a plongé le nord de l’Éthiopie dans une grave crise humanitaire.

Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, qui avait obtenu le prix Nobel de la paix pour ses efforts de rapprochement avec l’Érythrée, est parti en guerre dans son propre pays il y a deux ans afin de venir à bout des velléités autonomistes des rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). À l’issue de sanglants combats qui ont fait des milliers de morts, forcé le déplacement de millions de personnes et embrasé d’autres régions, les deux camps ont conclu en novembre un accord pour mettre un terme au conflit. Martin Plaut, auteur et journaliste qui suit de près les développements dans le pays, note qu’il est loin de garantir le retour à une paix durable, notamment parce que les intentions du régime érythréen, qui a soutenu Addis Abeba en fournissant des troupes toujours présentes dans le Tigré, demeurent incertaines. La délicate question de la répartition des pouvoirs entre le gouvernement central et les régions n’est pas non plus résolue, souligne M. Plaut. Il s’alarme de voir que les combats se sont intensifiés dernièrement dans l’Oromia, une autre région éthiopienne comportant un important mouvement séparatiste. Le risque d’une fragmentation du pays demeure réel, prévient-il en conclusion.

Yémen

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Le conflit au Yémen a engendré l’une des plus importantes crises humanitaires de la planète.

Le conflit frappant ce pays moyen-oriental a engendré, selon les Nations unies, l’une des plus importantes crises humanitaires de la planète, et rien ne suggère que les choses vont s’améliorer sur ce plan en 2023, prévient Thomas Juneau, spécialiste de la région rattaché à l’Université d’Ottawa. Les rebelles houthis, qui contrôlent la capitale, Sanaa, et de larges pans du nord du pays, ont conclu au cours de 2022 une trêve de plusieurs mois avec les forces menées par une coalition chapeautée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, mais elle n’a pas été renouvelée, ouvrant la porte à une reprise des combats. M. Juneau note qu’il apparaît clairement a posteriori que les deux camps avaient accepté la trêve pour des raisons stratégiques à court terme et non pour trouver une solution durable à la crise, qui n’est pas près de se terminer, dit-il. Les houthis, soutenus par l’Iran, sont en position de force sur le plan militaire, mais ne sont pas en mesure de s’imposer à l’échelle du pays. Riyad souhaite parallèlement se désengager du conflit, mais ouvrirait la voie, ce faisant, à une victoire totale des rebelles chiites. Ce qui, souligne M. Juneau, placerait de manière durable un allié de l’ennemi iranien sur son flanc sud.

Taïwan

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Est-ce que la Chine se lancera dans une aventure militaire d’envergure en 2023 pour réintégrer Taïwan dans le giron national ?

Nombre d’analystes ont spéculé en 2022 sur la possibilité que l’intervention russe en Ukraine inspire la Chine à passer à l’acte pour réintégrer Taïwan dans le giron national. Bien qu’il ait multiplié les manœuvres militaires d’intimidation, en particulier lors du passage dans l’île de la politicienne américaine Nancy Pelosi, le président Xi Jinping n’a pas franchi le pas. Serge Granger, spécialiste de la Chine rattaché à l’Université de Sherbrooke, pense que Pékin aura fort à faire dans l’année qui vient pour relancer son économie tout en composant avec la flambée de COVID-19 découlant de la levée des restrictions sanitaires et ne voudra pas, dans ce contexte, se lancer dans une aventure militaire d’envergure. Encore moins si elle est susceptible de mener à une confrontation frontale avec les États-Unis, qui ont haussé le ton sur le dossier taïwanais, s’écartant de leur approche traditionnelle « d’ambivalence stratégique » pour souligner leur volonté de défendre Taipei en cas d’attaque.