(Lyon) « Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort » : un Iranien s’est suicidé lundi en se jetant dans le Rhône à Lyon, dans le centre-est de la France, afin, dit-il dans une vidéo posthume, d’attirer l’attention sur la situation de son pays secoué par des manifestations.

Mohammad Moradi, 38 ans, a été retrouvé noyé, lundi en fin de journée, a indiqué la police. Une enquête « en recherche sur les causes de la mort » a été ouverte, selon la justice.  

L’Iran connaît depuis deux mois une vague de contestation sans précédent depuis la Révolution islamique de 1979. Elle est née de revendications sur les droits des femmes après la mort de Mahsa Amini, arrêtée pour avoir mal porté le voile islamique.

Les manifestations pour la liberté des femmes se sont progressivement transformées en un mouvement plus large dirigé contre le régime islamique.

Les autorités, qui dénoncent des « émeutes », ont arrêté des milliers de personnes et condamné à mort une dizaine d’entre elles pour leur implication dans ce mouvement de protestation.

Dans un bilan publié mardi Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo, fait état de 476 manifestants tués depuis mi-septembre.

« La police attaque les gens, on a perdu beaucoup de fils et de filles, on doit faire quelque chose », affirme d’une voix calme M. Moradi dans sa vidéo postée sur plusieurs réseaux sociaux avant de commettre l’irréparable.

« J’ai décidé de me suicider dans le fleuve Rhône, c’est un challenge pour montrer que nous, peuple iranien, nous sommes très fatigués de cette situation », annonce-t-il.  

« Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort », poursuit-il, avant d’appeler à soutenir le peuple iranien dans sa lutte contre « des policiers et un gouvernement extrêmement violents ».

Selon des membres de la communauté iranienne, il était étudiant en licence d’histoire et travaillait dans un restaurant. Il vivait à Lyon avec sa femme depuis trois ans.

« Mohammad Moradi s’est donné la mort pour faire entendre la voix de la révolution en Iran, notre voix n’est pas propagée par les médias occidentaux », a fustigé mardi Timothée Amini, porte-parole de quelque trois mille membres de la communauté iranienne de Lyon lors d’un rassemblement sur les lieux du drame.  

Son geste est « farouchement courageux », a jugé sa compatriote Lili Mohadjer. Mohammad Moradi « espérait que sa mort soit un élément de plus pour les médias occidentaux et les gouvernements, pour soutenir la révolution en marche en Iran ».

Sur sa vidéo, « il disait qu’il ne pouvait pas vivre tranquillement, confortablement ici – il était très bien intégré – » alors que des Iraniens sont tués « à bout portant », a-t-elle ajouté.

Devant de nombreux journalistes, une quarantaine de personnes ont déposé bougies, bouquets de roses et photos du défunt sur les rambardes, avant de prononcer discours et chants.

Début décembre, le pouvoir iranien a fait un geste envers les manifestants, en annonçant la dissolution de la police des mœurs. Mais dans la foulée, les autorités exécutent par pendaison deux jeunes hommes condamnés en lien avec les manifestations.