L’Ukraine a mené lundi son attaque la plus audacieuse contre le territoire russe au cours de la guerre qui dure depuis neuf mois, en visant deux bases militaires situées à des centaines de kilomètres à l’intérieur du pays, à l’aide de drones, selon le ministère russe de la Défense et un haut responsable ukrainien.

Le haut fonctionnaire a déclaré que les drones avaient été lancés depuis le territoire ukrainien et qu’au moins une des frappes a été effectuée avec l’aide des forces spéciales ukrainiennes opérant à proximité de la base, qui ont aidé à guider le drone vers la cible.

Ces frappes témoignent d’une nouvelle volonté de Kyiv d’attaquer les bases situées au cœur de la Russie, ce qui augmente les enjeux de la guerre, et démontre pour la première fois la capacité de l’Ukraine à organiser des attaques sur de si longues distances. Peu après les attaques sur les bases, la Russie a envoyé un barrage de missiles en direction des villes ukrainiennes.

Le Kremlin a déclaré que les armes lancées par l’Ukraine étaient des drones à réaction de l’ère soviétique et visaient les bases de Riazan et d’Engels, à environ 480 km de la frontière ukrainienne.

Le Kremlin a déclaré que ses forces avaient intercepté les drones et que « la chute et l’explosion des débris » avaient « légèrement endommagé » deux avions, tuant trois militaires et en blessant quatre autres.

Hors de portée de l’équipement connu

L’aérodrome d’Engels, situé sur la Volga, dans le sud de la Russie, est une base pour certains des bombardiers russes à longue portée et à capacité nucléaire, notamment les Tupolev-160 et Tupolev-95. Les responsables ukrainiens affirment qu’il s’agit également d’une zone de transit pour la campagne incessante d’attaques de missiles de la Russie sur les infrastructures, qui a laissé des millions d’Ukrainiens sans lumière, sans chauffage ou sans eau – ou sans rien du tout – à l’arrivée de l’hiver. Les images de surveillance d’un complexe d’appartements situé près de la base ont montré une boule de feu illuminant le ciel.

L’autre explosion s’est produite sur la base militaire de Dyagilevo, dans la ville centrale de Riazan, à une centaine de kilomètres seulement de Moscou, selon le ministère russe de la Défense. C’est là qu’ont été relevés les décès et les blessures, a rapporté l’agence de presse nationale russe RIA Novosti.

Le gouvernement ukrainien a refusé de reconnaître publiquement les frappes, conformément à sa pratique pour d’autres attaques contre la Russie et la Crimée occupée par la Russie.

La base aérienne d’Engels et l’installation militaire de Riazan se trouvent à entre 480 et 725 km de la frontière ukrainienne, ce qui est hors de portée de tout missile connu de l’arsenal ukrainien.

Avant même que le ministère russe de la Défense n’accuse l’Ukraine d’envoyer des drones pour attaquer, l’explosion de l’aérodrome d’Engels avait incité certains blogueurs russes influents, favorables à l’invasion, à appeler à de nouvelles frappes contre l’Ukraine et à renouveler leurs critiques à l’égard des forces armées russes. « Parfois, nous avons l’impression que même si l’on mettait une bombe dans les poches de ces gens, ils ne le remarqueraient pas de toute façon », a écrit Voenniy Osvedomitel, un commentateur populaire, sur l’application de messagerie Telegram.

Après les explosions, Mykhailo Podolyak, conseiller du président ukrainien, a semblé prendre note des frappes de manière indirecte, comme l’ont souvent fait les responsables ukrainiens après des explosions inexpliquées en Russie.

« La Terre est ronde – découverte faite par Galilée », a-t-il écrit sur Twitter. « Si quelque chose est lancé dans l’espace aérien d’autres pays, tôt ou tard, les objets volants inconnus reviendront au point de départ. »

Quelques heures seulement après les explosions, des responsables ukrainiens ont déclaré que plus d’une douzaine de bombardiers russes avaient décollé de la base aérienne d’Engels.

Des alertes de raid aérien ont retenti à Kiyv et dans d’autres villes. L’armée de l’air ukrainienne a déclaré que plus de 70 missiles ont été tirés, dont plus de 60 ont été abattus.

Cet article a été initialement publié dans The New York Times.

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