(Ankara) Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est arrivé mardi soir en Turquie pour discuter de l’instauration de couloirs maritimes afin de faciliter les exportations de céréales en mer Noire, a constaté un photographe de l’AFP.

M. Lavrov doit rencontrer mercredi le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu. Au cœur des négociations, la possibilité pour l’Ukraine, acteur majeur du marché mondial des céréales, d’exporter ses récoltes actuellement bloquées dans ses ports.

Le conflit en cours depuis le 24 février, qui bloque l’essentiel des exportations de l’Ukraine via la mer Noire, fait flamber les prix et peser un grave risque de famine dans les pays qui en dépendent, en particulier en Afrique et au Moyen-Orient.

À la demande des Nations unies, la Turquie a proposé son aide pour escorter les convois maritimes depuis les ports ukrainiens, malgré la présence de mines dont certaines ont été détectées à proximité des côtes turques, dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine.

Selon le ministre turc de l’Agriculture, Vahit Kirisci, Ankara a passé « un accord avec l’Ukraine qui nous livrera (à un prix) 25 % moins cher que celui du FOB », le cours du marché qui intègre le prix à destination. Un geste, selon lui, pour remercier la Turquie.

« La Russie et l’Ukraine nous font toutes deux confiance », a-t-il déclaré, cité mardi par plusieurs quotidiens turcs. « Les discussions continuent ».

Selon le ministre turc, « l’Ukraine protège actuellement ses ports de commerce avec des mines » et redoute d’être « attaquée par la Russie » si elles sont retirées.

Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a pour sa part indiqué dans un communiqué « apprécier les efforts de la Turquie visant à débloquer les ports ukrainiens », mais souligné qu’il n’y a « pas d’accord sur ce point entre l’Ukraine, la Turquie et la Russie pour le moment ».

« Les décisions doivent être prises avec la participation de toutes les parties concernées. Nous rejetterons tout accord qui ne prendrait pas en compte les intérêts de l’Ukraine », a encore indiqué le ministère, qui a appelé les Occidentaux à fournir des armes côtières à Kyiv et à impliquer leurs forces dans des patrouilles en mer Noire.

Le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, s’est dans le même temps entretenu par téléphone avec son homologue russe, Serguëi Choïgou.

Les deux ministres ont évoqué « les mesures qui peuvent être prises pour le transport en toute sécurité des céréales, du tournesol et des autres produits agricoles », selon un communiqué du ministère turc de la Défense.

La presse ukrainienne a assuré que les discussions prévues mercredi à Ankara associeront, outre la Turquie et la Russie, « les Nations unies et l’Ukraine ». Mais l’ambassade d’Ukraine à Ankara a démenti mardi tout contact entre l’ambassadeur Vasyl Bodnar et M. Lavrov.

Vasyl Bodnar avait accusé vendredi la Russie de « voler sans vergogne » et d’exporter des céréales ukrainiennes depuis la Crimée (sud), annexée par Moscou en 2014, notamment vers la Turquie.

La Turquie est considérée comme une alliée de l’Ukraine, à qui elle fournit des drones de combat, mais veille à garder une position neutre envers la Russie, dont elle dépend pour ses approvisionnements en énergie et en céréales.

Juste avant la guerre, l’Ukraine était en passe de devenir le troisième exportateur mondial de blé et fournissait la moitié du commerce mondial de graines et d’huile de tournesol. Kyiv exportait chaque mois 12 % du blé mondial, 15 % du maïs et 50 % de l’huile de tournesol.