L’étau de l’OTAN se resserre sur la Russie

L’intention manifeste de la Finlande et de la Suède de grossir les rangs de l’OTAN a provoqué jeudi une réplique diplomatique de la Russie voulant qu’elle riposte par des mesures « militaro-techniques ». Mais lancer des menaces, c’est une chose, passer aux actes, c’en est une autre.

Car la Russie de Vladimir Poutine est enlisée dans son invasion de l’Ukraine, et ce, en dépit de gains territoriaux dans l’est et le sud.

« Pour la Russie, c’est un coup très dur de voir la Finlande et la Suède manifester cet intérêt », résume Jacques Lévesque, professeur émérite de science politique à l’UQAM.

Bien sûr, la Russie va protester. Mais je ne crois pas qu’elle va faire quelque chose de concret, car la situation est tellement difficile pour elle en Ukraine.

Jacques Lévesque, professeur émérite de science politique à l’UQAM

Ce dernier fait remarquer que la Finlande « est nettement mieux armée que l’Ukraine » et qu’elle a montré qu’elle n’était pas « un gâteau qui s’avale facilement ».

Chercheur postdoctorant au Centre for International and Defence Policy de l’Université Queen’s à Kingston, Thomas Hughes partage cette idée qu’à court et moyen terme, la Russie ne fera rien. « Mais la possibilité demeure, et cela incite la Finlande et la Suède à ne pas prendre de risques », dit-il. « L’invasion russe de l’Ukraine a cristallisé l’impression de menace ressentie par ces deux pays. »

PHOTO MARKKU ULANDER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Sanna Marin, première ministre de Finlande, et Sauli Niinistö, président

Jeudi, le président de la Finlande, Sauli Niinistö, et la première ministre, Sanna Marin, ont annoncé qu’ils étaient favorables à une adhésion de la Finlande à l’OTAN et qu’une décision serait annoncée dimanche.

Par la voix du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, la Russie a répliqué en disant qu’elle serait « obligée de prendre des mesures réciproques, militaro-techniques et autres, pour mettre fin aux menaces à sa sécurité nationale ».

Frontière deux fois plus longue

Le principe de défense collective est au cœur de la structure de l’OTAN, qui lie 30 pays et dont la pierre angulaire est qu’une attaque contre un des membres est considérée comme dirigée contre toutes les parties.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Cela dit, si la Finlande adhère à l’OTAN, la longueur des frontières mutuelles entre les pays de l’Alliance et la Russie doublera d’un coup. Cela ne risque-t-il pas d’enflammer les esprits ?

« C’est vrai que c’est un défi, dit Robert Baines, président de l’Association canadienne pour l’OTAN. Mais la structure de l’Alliance permet de relever ce défi. Nous avons un groupe de nations prêtes à se défendre et désireuses de le faire. Il faut le montrer. C’est dissuasif. Ça peut arrêter une guerre avant qu’elle ne commence. C’est comme un club de hockey complet qui entre dans un bar. Personne ne veut se battre contre ça ! »

L’OTAN dans les pays baltes

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Krišjānis Kariņš, premier ministre de Lettonie, et Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, est sorti jeudi d’une réunion privée avec son homologue letton avec la promesse de renforcer la présence militaire du Canada en déployant davantage d’officiers des Forces armées canadiennes dans l’État balte. M. Trudeau n’a cependant pas accordé à Krišjānis Kariņš sa principale demande, soit le soutien clair du Canada à l’élargissement de forces permanentes de l’OTAN en Lettonie et dans les autres pays baltes, la Lituanie et l’Estonie. M. Trudeau a indiqué aux journalistes que les risques devaient être réévalués pour savoir à quel point il fallait se serrer les coudes pour se protéger d’éventuelles agressions russes.

Querelle sur le gaz

La querelle autour de la livraison de gaz russe vers l’Europe de l’Ouest a pris de l’ampleur jeudi. Le géant russe Gazprom a annoncé une baisse de 30 % des volumes livrés en Europe (40 % en Allemagne) en comparaison à 18 % mercredi. À qui la faute ? La Russie et l’Ukraine, où une partie du gaz russe transite, s’accusent mutuellement. Kyiv indique ne pouvoir garantir le passage du gaz par les installations de Sokhranivka et demande à Gazprom d’utiliser un autre point de passage, à Soudja. Gazprom réplique que cela est impossible et que les installations de Sokhranivka sont adéquates.

Couper l’« oxygène énergétique »

Les pays de l’Union européenne débattent toujours de l’idée d’imposer un embargo sur le gaz russe, un projet qui n’a pas encore abouti en raison de leur dépendance. De passage à Berlin, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmitro Kouleba, a déclaré que l’Europe devait couper l’« oxygène énergétique » de la Russie en cessant de s’y approvisionner en gaz. « La Russie a montré qu’elle n’était pas un partenaire fiable, et l’Europe ne peut se permettre », dans ces conditions, de continuer à traiter avec Moscou, a indiqué M. Kouleba. Selon un article de Bloomberg basé sur des chiffres de l’Agence internationale de l’énergie, les revenus de la Russie issue de la vente de gaz et pétrole ont augmenté de 50 % en 2022.

Le Conseil des droits de l’homme fera enquête

À Genève, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a accepté de mener une enquête sur les exactions reprochées aux soldats russes en Ukraine. Une commission sera formée pour enquêter sur les allégations de violations des droits de la personne dans plusieurs villes ukrainiennes. D’ailleurs, la parution jeudi d’une vidéo remontant à mars et montrant des soldats russes abattant deux civils ukrainiens désarmés s’est ajoutée à toutes les accusations d’exactions portées contre la Russie.

Sur le terrain

Sur le terrain, on note peu de changements en cette 78e journée du conflit. La Russie affirme avoir frappé deux dépôts de munitions ukrainiens dans la région de Tchernihiv. Kyiv indique que la contre-offensive se poursuit au nord de Kharviv. Plusieurs villes auraient été reprises, dont Pitomnik. Sur Telegram, la vice-première ministre de l’Ukraine, Iryna Verechtchouk, a indiqué que des négociations « difficiles » avaient lieu avec Moscou pour évacuer 38 soldats grièvement blessés des ruines de l’aciérie Azovstal.

Avec CNW, l’Agence France-Presse, Bloomberg, The Guardian, Bloomberg, Franceinfo et La Presse Canadienne

Ce qu’il faut savoir

  • La Finlande songe à adhérer à l’OTAN, qui serait alors aux portes de la Russie.
  • Kyiv et Moscou se disputent sur les flux d’approvisionnement en gaz de l’Europe.
  • Kyiv réitère que l’Europe doit couper l’« oxygène énergétique » à la Russie.
  • Une vidéo montre des soldats russes exécutant de sang-froid deux civils ukrainiens.
En savoir plus
  • 1340 km
    C’est la longueur de la frontière commune entre la Finlande et la Russie. Celle-ci s’étend des rives du golfe de Finlande, au sud, jusqu’à la colline Muotkavaara, point d’intersection des frontières russe, finlandaise et norvégienne dans le Lapland.
    Source : finland.fi