(Jérusalem) Le démocrate américain Joe Biden ne suscite peut-être pas un grand enthousiasme en Israël, qui perdra un allié clé en Donald Trump, mais fait naître un mince espoir chez les Palestiniens qui avaient rompu les liens avec le milliardaire républicain.

Reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu, soutien à la colonisation en Cisjordanie occupée, bénédiction à l’annexion du Golan et parrainage de la normalisation des relations entre Israël et des pays arabes : la président américain Donald Trump a laissé sa marque pour Israël.  

Et le premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui avait qualifié Donald Trump de « meilleur ami qu’Israël n’a jamais eu à la Maison-Blanche », espérait, comme la majorité des Israéliens, la victoire du magnat de l’immobilier à la présidentielle américaine.

Selon deux récents sondages, 63 % des Israéliens préfèrent M. Trump à M. Biden (17-18 %), dont les supporters seraient moins nombreux que les indécis (20 %).  

Pourtant, Joe Biden connaît de longue date Israël, pays qu’il a visité pour la première fois en 1973. Et il avait soutenu en 2015 que les États-Unis devaient respecter leur « promesse sacrée de protéger le foyer d’origine des Juifs ».

Malgré ses liens profonds et la visite de neuf gouverneurs démocrates contre sept républicains en Israël depuis 2017, selon les données fournies à l’AFP par la diplomatie israélienne, plusieurs en Israël regardent avec méfiance les troupes de Joe Biden.  

Des élus israéliens craignent l’émergence d’une nouvelle génération, jugée moins favorable, sinon hostile, à l’État hébreu au sein du parti démocrate, et un adoucissement sous Joe Biden de la politique américaine face à l’Iran.

Plus précisément, le gouvernement israélien avait accusé les démocrates Rashida Tlaib et Ilhan Omar de soutenir le « BDS » (Boycottage, Désinvestissement, Sanctions), campagne de boycottage de l’État hébreu pour sa politique dans les Territoires palestiniens.

« Il y a une influence croissante d’une branche radicale progressiste au sein du Parti démocrate américain. La plupart d’entre eux sont anti-Israël mais nous ne savons pas quelle influence ils auront […] dans la prochaine administration », estime Eytan Gilboa, professeur de Sciences politiques à l’université israélienne Bar-Ilan.

Le domino iranien

Les relations entre démocrates et Israël s’étaient détériorées sous Barack Obama avec en point d’orgue l’accord sur le nucléaire iranien, étrillé par Donald Trump qui a engagé une campagne de « pression maximale » contre Téhéran à coup de sanctions économiques.

Joe Biden tentera-t-il de remettre sur les rails cet accord fustigé par Israël, dont l’Iran est l’ennemi N.1 ? « La probabilité est très forte », répond à l’AFP Michael Oren, ancien ambassadeur israélien à Washington.

Sur fond d’une « menace » commune de Téhéran, trois pays arabes, dont les Émirats, ont normalisé ces dernières semaines leurs relations avec Israël, sous le parrainage de Washington.

Si Joe Biden engage des discussions avec l’Iran, qu’arrivera-t-il de ces accords phares de l’ère Trump ? « Je pense que les Iraniens vont dire la chose suivante : vous ne pouvez pas à la fois négocier avec nous et étendre une coalition qui est contre nous », résume M. Gilboa.

« La grande question est de savoir à quel degré l’administration américaine s’engagera dans ces accords (de normalisation) », note Michael Oren, estimant que ces accords, qualifiés de « trahison » par les Palestiniens, ont moins bonne presse chez les démocrates.

« Victoire » palestinienne

À Ramallah, en Cisjordanie occupée, le leadership palestinien avait les yeux rivés ces derniers jours sur les chaînes d’info pour contempler le sort que réserverait l’Amérique à Donald Trump, qui avait infléchi sa politique en faveur d’Israël au point de pousser les Palestiniens à couper les ponts avec Washington.

Washington avait aussi fermé son consulat à Jérusalem-Est, partie de la Ville sainte revendiquée par les Palestiniens, coupé son aide aux Palestiniens et mis fin à sa contribution à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).  

Et Donald Trump avait présenté en janvier dernier son plan pour le Proche-Orient sans avoir au préalable consulté les Palestiniens.  

Les États-Unis de Biden vont chercher à s’engager « bien davantage » avec les Palestiniens, pense Sarah Feuer, analyste au Washington Institute for Near East policy.  

Outre la reprise de l’aide, la réouverture possible du consulat de Jérusalem-Est, voire du bureau de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington, peu d’analystes voient Joe Biden forcer de nouveaux pourparlers de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Côté palestinien, certains savouraient l’instant samedi soir : « Il n’y a pas eu pire que l’ère Trump ! Sa fin est déjà une victoire », a commenté Nabil Shaath, conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas.

Le chef du mouvement islamiste palestinien Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, Ismaïl Haniyeh, a lui appelé Joe Biden à « corriger » les « politiques injustes » des États-Unis en « annulant » le « plan Trump » pour le Moyen-Orient.