Stunning. Stupéfiant. Le mot se retrouve dans la plupart des reportages sur la défaite d'Eric Cantor, numéro deux des républicains à la Chambre des représentants, contre David Brat, obscur professeur d'économie soutenu par le Tea Party, lors d'une primaire hier en Virginie.

Cantor, qui représente une circonscription située en banlieue de Richmond, capitale de Virginie, siège à la Chambre depuis 2001. Il a perdu par 11 points, une défaite cinglante que personne n'avait vu venir, comme l'explique le Washington Post dans ce compte-rendu.

Selon les historiens, jamais le numéro de la Chambre n'avait subi la défaite lors d'une primaire avant Cantor.

Alors pourquoi ce politicien ambitieux et conservateur a-t-il perdu? La tentation est grande de mettre la défaite du leader de la Chambre (son titre officiel) sur le compte de sa position «modérée» en matière d'immigration. Cantor était favorable à la régularisation de certains jeunes clandestins, comme le souligne Nate Cohn dans cette analyse publiée par le New York Times. Son adversaire, encouragé par certains ténors médiatiques, dont Laura Ingraham, l'a accusé d'être un partisan de l'«amnistie».

Autre explication, qui se retrouve dans le compte-rendu du Post : Cantor n'a pas fait campagne sur le terrain, renforçant la perception qu'il était devenu l'otage de Washington et de ses ambitions nationales (il rêvait de remplacer John Boehner comme président de la Chambre).

La défaite de Cantor signifie que la Chambre ne tiendra probablement pas de vote sur une réforme de l'immigration d'ici 2014 et même 2016. Ce refus des républicains d'adopter une réforme voulue par la majorité d'Américains pourrait leur coûter la présidence en 2016.

Ce revers contredit en outre le narratif des dernières semaines à Washington selon lequel l'establishment républicain avait enfin réussi à remettre à sa place le Tea Party. Même si des sénateurs comme Mitch McConnell et Lindsey Graham (pas plus tard qu'hier) ont remporté des victoires décisives lors de primaires contre des candidats soutenus par le Tea Party, le GOP pourrait dériver encore plus vers la droite, du moins à la Chambre.

Et qui est David Brat? Vox nous le présente ici comme un adepte d'Ayn Rand, papesse de certains libertariens, et un adversaire farouche des projets de réforme de l'immigration débattus à Washington. Critique de Wall Street et des programmes de surveillance, il a également pourfendu dans ses discours et écrits les deux grands partis et prôné la plus grande rigueur en matière budgétaire.

Détenteur d'une maîtrise en théologie, il a déclaré hier soir sur Fox News que «Dieu est intervenu en ma faveur par le biais des électeurs. C'est un miracle incroyable».

En novembre, Brat fera face au démocrate Jack Trammell, qui a en commun avec lui d'être presque inconnu et d'enseigner au Randolph-Macon College (il est professeur de sociologie). Le républicain est favori pour l'emporter. Mais il faut évidemment se méfier des prédictions.