Je ne m'en souviens pas. Je ne peux pas en parler.

Ces deux phrases résument le témoignage de Jeff Sessions devant la commission du Renseignement du Sénat hier.

Le ministre de la Justice a peut-être croisé l'ambassadeur de Russie aux États-Unis en marge d'une réception tenue dans un hôtel de Washington en avril dernier. Mais «si une quelconque brève interaction avec [lui] s'est produite, je ne m'en souviens pas», a-t-il dit.

Voilà comment on s'y prend pour éviter de se parjurer ou d'admettre qu'on a omis de dévoiler un troisième contact avec Sergueï Kisliak lors d'une audition sous serment devant le Congrès en janvier dernier.

On ne se souvient pas (voir la vidéo édifiante qui coiffe ce billet).

Et comment s'y prend-on pour protéger le président contre une accusation d'entrave à la justice? On invoque un «principe» ou une «politique» qui ne se trouve ni dans les règles du ministère de la Justice, ni dans la Constitution ni dans aucun texte de loi, histoire de ne pas avoir à rapporter ses conversations avec ledit président.

La question n'est pas accessoire. Si Donald Trump a avoué à des visiteurs russes dans le Bureau ovale que le renvoi de l'ancien directeur du FBI était lié à l'enquête russe, pensez-vous qu'il s'est retenu de le faire devant Sessions?

Jeff Sessions s'est diminué hier en invoquant à répétition des problèmes de mémoire et en refusant de dire la vérité sur ses conversations avec le président. Les deux manoeuvres sont celles d'un homme qui a des choses à cacher. Elles ne font que reporter le moment où la vérité sera dévoilée.

Il faut comprendre que le procureur spécial Robert Mueller posera à Jeff Sessions plusieurs des questions auxquelles il a refusé de répondre hier. La différence, c'est que Mueller a le pouvoir de rassembler un grand jury pour forcer le ministre de la Justice et les autres à parler.