Battue par son père, mariée de force à 17 ans, puis prisonnière d'un mariage abusif, Aruna Papp a longtemps été une victime des hommes qui l'entouraient. Mais plus aujourd'hui. L'Indienne, qui a émigré au Canada dans les années 70, est depuis un an la voix la plus forte qui s'élève sur la question des crimes d'honneur au Canada. Envers et contre tout.

L'été dernier, Mme Papp a soulevé la controverse dans la communauté sud-asiatique en rédigeant un rapport intitulé La violence contre les femmes dérivée de la culture: un problème grandissant dans les communautés immigrantes du Canada.

Publié sous les auspices du Frontier Centre for Public Policy, centre de recherche conservateur de l'Ouest canadien, le rapport dénonce le silence entourant les récents cas de crimes d'honneur, suggère au gouvernement des modifications au système d'immigration afin de filtrer les hommes avec un passé violent et recommande de faire des pressions sur les leaders canadiens d'origine sud-asiatique - imams, pasteurs, journalistes d'opinion - pour qu'ils prennent position contre la maltraitance des femmes et des filles.

Elle dit sans détour qu'aucune minorité religieuse n'est épargnée par la violence au sein de la diaspora du sous-continent indien. Elle est elle-même chrétienne et, au cours des ans, elle a vu tout autant de violence chez les musulmans, chez les hindous que chez les sikhs.

«Il y a eu beaucoup de critiques après la publication du rapport. On m'a dit que je donnais une mauvaise réputation à la communauté sud-asiatique. J'ai répondu que c'était voulu. Que je voulais que la communauté paraisse mal pour que ça arrête», lance-t-elle sans détour.

Bien que sa voix soit calme au bout du fil, on sent en Aruna Papp une colère sans fond. Une colère, explique-t-elle, aussi tirée de son expérience personnelle des 30 dernières années, au cours desquelles elle est devenue travailleuse sociale et médiatrice familiale dans le comté de York, en Ontario. Une bonne partie de sa clientèle est issue de l'immigration. «Je suis allée aux funérailles de trois de mes clientes et j'ai amené des centaines de femmes dans des refuges pour femmes victimes de violence. J'ai aussi vu plus de jeunes filles avec des côtes et des membres cassés que je ne peux les compter, dit-elle. Il faut que ça arrête.»

La croisade d'Aruna Papp et ses coups de gueule ont attiré l'attention. Mme Papp prononce des discours sur plusieurs tribunes et donnera bientôt une formation à des policiers. La chroniqueuse du National Post Barbara Kay vient tout juste d'écrire un livre sur la vie de l'Indo-Canadienne qui paraîtra bientôt. La documentariste montréalaise Raymonde Provencher a aussi pris contact avec elle. Le silence a la vie dure ces jours-ci.