L'opposante birmane Aung San Suu Kyi, maintenue en résidence surveillée par la junte et complètement marginalisée à l'approche des élections législatives, a pu s'entretenir lundi avec un émissaire américain, pour la deuxième fois en six mois.

Kurt Campbell, adjoint pour l'Asie de l'est et le Pacifique de la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton, et Mme Suu Kyi, figure de la résistance au régime birman depuis plus de vingt ans, se sont entretenus à huis-clos dans une maison des invités du gouvernement.

Ils n'ont fait aucune déclaration, ni avant ni après la réunion qui a duré environ 1h45.

M. Campbell, censé rouvrir le dialogue avec la junte dans le cadre de la nouvelle politique du président Barack Obama, avait déjà rencontré la lauréate du prix Nobel de la paix en novembre 2009 à Rangoun.

Mais depuis cette première visite, le régime du généralissime Than Shwe a promulgué des lois électorales qui excluent totalement la dissidente des prochaines élections, attendues fin octobre ou début novembre.

La Ligue nationale pour la démocratie (LND) a boycotté le scrutin afin de pas être obligée, conformément à ces lois, d'exclure sa fondatrice. Elle a été en conséquence dissoute la semaine dernière, ouvrant la voie à un scrutin sans opposition ou presque.

Dimanche, avant de s'envoler pour la capitale Naypyidaw, Kurt Campbell avait avoué nourrir «de vraies inquiétudes sur les lois électorales et l'environnement qui a été créé» pour ces élections.

Après des discussions avec des personnalités du régime militaire, il a aussi rencontré lundi d'ex-cadres de la LND. «Nous trouvons l'approche américaine très molle par rapport à ce qu'est ce gouvernement militaire», a regretté Win Tin, un des cadres historiques de la ligue.

«Le gouvernement militaire fera ce qu'il voudra, et nous avons demandé des actions politiquement et économiquement plus fortes» de la part des États-Unis, a-t-il ajouté.

Washington a décidé en septembre 2009 d'entamer ce dialogue avec la junte, constatant que les sanctions seules n'avaient guère de prise sur l'évolution d'un des régimes les plus fermés au monde.

Mais les responsables américains ont depuis régulièrement fait état de leur déception.

«Ils savent que le processus sera affreusement lent», estime Aung Naing Oo, analyste birman en exil. «L'actuelle politique américaine risque de se retrouver dans l'impasse entre les demandes à Washington et l'intransigeance des Birmans».

Récemment, le premier ministre Thein Sein et 22 autres membres de la junte ont quitté leurs fonctions militaires et déposé une demande de création d'un parti pour s'engager dans la campagne.

«Nous déterminerons au vu des actes s'il s'agit d'une ouverture, ou bien si cela représente des loups s'habillant en agneaux», avait commenté Philip Crowley, porte-parole du département d'État américain.

Vendredi, un groupe d'anciens cadres de la LND a décidé de créer une nouvelle formation politique pour poursuivre le combat sous une autre étiquette et, vraisemblablement, présenter des candidats aux élections.

Le dernier scrutin législatif date de 1990. La LND l'avait très largement remporté mais le résultat n'a jamais été accepté par la junte.

Et pour Win Tin, le prochain est joué d'avance. «Il n'y aucun moyen d'obtenir les élections crédibles que le monde entier demande», a-t-il estimé, insistant pour que «le résultat des prochaines élections ne soit pas reconnu».