Un prêtre indien accusé d'abus sexuels sur des adolescentes aux États-Unis a travaillé ces cinq dernières années pour des écoles catholiques en Inde, malgré les avertissements d'un évêque américain, selon des documents d'un tribunal rendus public lundi.

Ces informations ont été publiées en pleine tourmente au Vatican provoquée par les scandales de pédophilie. Le pape Benoît XVI a lui-même été mis en cause par des médias allemands et américains pour avoir, selon eux, gardé le silence sur des abus quand il était archevêque à Munich puis chef de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) au Vatican.

L'évêque américain du Minnesota Victor Balke avait signalé les accusations contre le prêtre indien en 2005, selon une lettre rendue publique par un avocat représentant une victime dans un procès civil.

Mgr Balke, qui avait demandé au Vatican d'intervenir, avait averti que le père Joseph Jeyapaul pourrait faire peser un «grave risque» aux femmes et filles de sa paroisse en Inde.

En dépit de nombreuses démarches et efforts d'un procureur pour le faire extrader aux États-Unis, Jeyapaul est resté à son poste de secrétaire de la commission de l'éducation du diocèse d'Ootacamund (Inde), selon les documents du tribunal.

«Les seuls qui savaient qu'il était un violeur étaient l'évêque et le Vatican», a déclaré Jeff Anderson, avocat du Minnesota qui représente l'une des victimes de Jeyapaul.

«Ils ont gardé l'affaire secrète parce qu'ils étaient soucieux de protéger leur réputation et non les enfants qui sont en grave danger», a dit à l'AFP M. Anderson. «Tant qu'ils garderont le secret ils seront complices de ces crimes».

Jeyapaul, qui avait été nommé à titre temporaire au diocèse de Crookston (Minnesota) en 2004, a été accusé d'abus sexuels à plusieurs reprises sur une adolescente de 16 ans. Des accusations d'une seconde adolescente ont été portées contre lui et Balke s'était rendu à Rome en novembre 2006 pour présenter le dossier de Jeyapaul à la CDF.

Les premières accusations n'ont été publiées qu'au moment où Jeyapaul est retourné en Inde pour voir sa mère mourante.

Balke avait écrit en décembre une lettre à la CDF pour l'informer que Jeyapaul n'avait pas accédé à sa demande pour qu'il revienne au Minnesota afin de répondre de ses actes.

La CDF avait répondu cinq mois plus tard pour dire qu'elle avait contacté l'évêque du prêtre Jeyapaul en demandant que «sa vie de prêtre soit suivie afin qu'il ne constitue pas un risque pour les mineurs et ne provoque pas de scandale au sein des fidèles», selon les documents du tribunal.

Selon l'évêque A. Amalraj, qui est à la tête du diocèse d'Ootacamund, Jeyapaul travaille toujours pour la commission de l'éducation. «Son travail consiste à préparer des listes pour la nomination de professeurs des écoles gérées par le diocèse mais cela ne le met pas en contact avec des femmes ou des enfants», a-t-il dit à l'AFP. L'évêque a précisé qu'il hébergeait lui-même le prêtre.

Pour sa part, l'avocat du Vatican Jeffrey Lena a réagi dans un communiqué publié aux États-Unis: «La CDF a suggéré dans cette affaire que le père Jeyapaul accepte de quitter la prêtrise, démontrant que la Congrégation croyait que les accusations étaient suffisamment graves pour mériter d'abandonner la prêtrise. Cependant, aux termes du droit canon, de telles décisions sont faites par l'évêque local, considéré comme étant le mieux placé pour se prononcer sur l'affaire».

L'avocat précise que le Vatican «a coopéré avec les demandes des autorités judicaires américaines cherchant l'extradition aux États-Unis du père Jeyapaul et ont communiqué l'endroit exact où il se trouve en Inde pour assister ces efforts».