La police togolaise a attaqué mardi le siège du parti de l'opposition où s'était réfugié son chef après s'être vu interdire l'accès à une manifestation qu'il souhaitait conduire, pour la quatrième journée consécutive de tensions. L'opposition conteste les résultats encore provisoires de l'élection présidentielle de jeudi dernier accordant la victoire au président sortant Faure Gnassingbé.

D'après la commission électorale, Faure Gnassingbé, fils de l'ancien dictateur Gnassingbé Eyadéma, a remporté l'élection de jeudi avec 60,9% des voix, contre 33,9% à Jean-Pierre Fabre, 27 ans, candidat de l'Union des forces de changement (UFC). Les résultats ne sont pas encore définitifs.

Plus d'un millier de personnes attendaient Jean-Pierre Fabre sur un boulevard de Lomé où devait se tenir la manifestation. Malgré l'interdiction du gouvernement, le candidat malheureux à la présidentielle a dit qu'il défilerait quotidiennement pour protester contre un scrutin qu'il juge truqué.

«On m'a empêché d'atteindre» le rassemblement, a affirmé le candidat de l'opposition, joint par téléphone dans sa voiture quelques minutes après avoir reçu du gaz lacrymogène. «Ils ont tiré des gaz lacrymogènes contre ma voiture».

Les manifestants s'étaient rassemblés sur un côté du boulevard, faisant face aux policiers anti-émeute. Ils ont insulté les forces de l'ordre alors que ces dernières les repoussaient, protégés derrière des boucliers. Les policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes lorsque la foule s'est mise à leur lancer des pierres.

«Le Togo n'est pas un royaume», a lancé un mécanicien de 27 ans, Late Lawson, qui avait participé au rassemblement. «Ce pays ne leur appartient pas. Et nous ne sommes pas les locataires de cette nation, nous en sommes aussi les propriétaires. Nous allons la reprendre».

Peu de temps après que le retour de Jean-Pierre Fabre au siège du parti, la police a encerclé le bâtiment et a lancé l'assaut avec un canon à eau et des gaz lacrymogènes.

Abalo Issah, porte-parole de l'unité commando chargée des élections, a affirmé que la police avait pris ces mesures parce que l'opposition avait l'intention de poursuivre une manifestation interdite par le gouvernement. Il a nié que les forces de sécurité soient venues détruire des preuves de fraudes électorales réunies par l'opposition.

Jean-Pierre Fabre a en effet affirmé mardi que les forces de sécurité étaient entrées dans le bureau où son parti conserve les résultats des élections et prépare les preuves soutenant ses accusations de fraudes électorales contre le président sortant. Le Conseil constitutionnel togolais devrait réexaminer les résultats des élections cette semaine.

«Nous sommes en tête dans les sondages. C'est la raison pour laquelle ils sont venus et ont saisi nos preuves (...), parce qu'ils savent bien que les résultats qu'ils ont annoncé sont frauduleux», a déclaré le chef de l'opposition.

Douze partisans de l'opposition ont par ailleurs été arrêtés, selon Eric Dupuy, un porte-parole de l'opposition.

L'opposition tente de manifester quotidiennement depuis samedi, mais elle a été repoussée à chaque fois par les policiers anti-émeute, notamment dimanche lorsqu'une grenade lacrymogène avait explosé aux pieds de Jean-Pierre Fabre.

La France a appelé mardi «au calme et au sens des responsabilités de tous» et demandé aux Togolais de «résoudre tout contentieux électoral éventuel dans le cadre des procédures légales».

La mission d'observation de l'Union européenne au Togo ne mentionne pas de bourrage des urnes ou autre fraude avérée dans son rapport préliminaire publié ce week-end mais elle évoque des preuves de tentatives du parti au pouvoir d'acheter les voix des électeurs. Il aurait obtenu une large majorité des suffrages dans des circonscriptions où il a distribué du riz aux pauvres.