Les quelque 7,6 millions de francs suisses (près de 8 millions $) appartenant à l'ex-dictateur haïtien en exil Jean-Claude Duvalier, dit «Bébé Doc», seront remis à Haïti: les détenteurs des comptes n'ont pu démontrer que ces avoirs n'étaient pas d'origine délictueuse, a annoncé jeudi l'Office fédéral suisse de la justice (OFJ). La décision peut encore faire l'objet d'un recours.

Les comptes en Suisse de Jean-Claude Duvalier, 58 ans, avaient été bloqués en 2002 pour tirer au clair des questions de droit. Les autorités haïtiennes font grief à l'ancien président d'avoir, dès son entrée en fonctions en 1971 jusqu'à sa fuite d'Haïti en 1986, vidé -avec la complicité de plusieurs personnes de son entourage-les caisses de l'Etat, transférant les fonds détournés qui s'élèveraient à plusieurs centaines de millions de dollars, dans des établissements bancaires à l'étranger, a rappelé l'OFJ.

Le clan Duvalier a agi comme une organisation criminelle au sens du Code pénal suisse, relève l'Office dans sa décision. En l'espèce, la condition de la double incrimination à laquelle est subordonné l'octroi de l'entraide judiciaire est remplie. De surcroît, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral dans l'affaire Abacha, concernant les fonds de l'ex-dictateur nigérian, les dispositions du Code pénal suisse sur la confiscation sont applicables, ce qui a pour effet d'entraîner un renversement du fardeau de la preuve.

Etant donné que les détenteurs des comptes ont été dans l'incapacité totale d'apporter la preuve que les valeurs déposées sur ces comptes -bloquées par la Suisse-n'étaient pas d'origine délictueuse, l'OFJ a ordonné leur remise à la République de Haïti.

L'OFJ a statué que les fonds restitués devront être utilisés au profit de la population haïtienne à la faveur de projets humanitaires ou sociaux, à la réalisation et à la gestion desquels seront associées des organisations non gouvernementales expérimentées dans ce domaine. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a déjà noué des contacts avec des organisations susceptibles d'être intéressées par la mise en place de ces projets. Il veillera à leur mise en oeuvre et à l'utilisation transparente des fonds, par l'entremise de la représentation suisse à Port-au-Prince.

Pour l'heure, les fonds Duvalier restent en Suisse puisque la décision de l'OFJ n'est pas encore exécutoire. Elle peut en effet faire l'objet d'un recours devant le Tribunal pénal fédéral dans les 30 jours à compter de sa communication.

Accusé de violations des droits de l'homme, «Bébé Doc» avait pris la fuite en 1986 pour la France, emportant dans ses bagages au moins 120 millions de dollars des caisses de l'Etat. Depuis son exil, il a tenté en vain de revenir sur la scène politique de son pays.