Une vingtaine de femmes vêtues de robes blanches immaculées marchent lentement sur la route nationale 1, qui traverse les Gonaïves. La route est boueuse et encore inondée par endroits. Elles doivent porter leurs chaussures dans leurs mains et relever leur robe pour éviter de se salir. Certaines sont prises de tremblements irrépressibles.

Le cortège funèbre suit une vieille Chevrolet bleue vers le cimetière qui jouxte la cathédrale. Le cercueil de Célie Célidor, 95 ans, est dans le coffre. Plus tard dans la journée, la petite-fille de Célie, Sabrina, morte à 1 an, fera le même voyage.

À la suite des trois ouragans et de la tempête tropicale qui ont balayé Haïti en un mois, les Gonaïves n'ont pas fini d'enterrer leurs morts. Le bilan n'est pas définitif, mais la Protection civile haïtienne avance le chiffre de 150 morts dans cette ville de 300 000 habitants.

Le jour de l'ouragan, les proches de Célie Célidor l'ont évacuée de sa maisonnette. Mais personne n'a pu empêcher Sabrina de se noyer. La vieille dame a été emmenée dans une église transformée en abri temporaire. Elle est morte quelques jours plus tard dans des circonstances sordides.

À l'église, une bagarre aurait éclaté entre des sinistrés, raconte sa fille, Catherine. La vieille dame aurait reçu un coup à la tête. «Elle a tremblé et elle est morte», dit la femme éplorée, qui avait de la difficulté à se tenir debout.

La famille a poussé des cris de douleur durant tout le trajet entre la maison funéraire et le cimetière. Une fois là-bas, les hommes, armés de pelle, ont dû enlever la boue qui bloquait l'entrée du caveau familial. Pour y accéder, les membres de la famille ont dû sauter d'une tombe à l'autre, comme dans un sinistre jeu de marelle. Sinon, c'était l'enlisement assuré.

Une fois le cercueil placé dans le caveau, la famille a quitté le cimetière. Le corps de la fillette, lui, devait arriver plus tard dans l'après-midi. Les Célidor ont dû revenir au cimetière. Deux générations inhumées dans le même caveau, le même jour.

D'autres corps pourraient être découverts dans les jours à venir. Des zones des Gonaïves sont toujours coupées de l'aide, selon la Mission des Nations unies pour la stabilité d'Haïti.

L'eau a baissé, mais l'entrée de la ville est toujours inondée. Les autorités locales travaillent à freiner le débordement de la rivière qui passe au centre de la ville. L'aide d'urgence est acheminée par bateau et par hélicoptère puisque la seule route qui relie la capitale, Port-au-Prince, aux Gonaïves est toujours en très mauvais état et la circulation, détournée.