L'inextricable crise politique en Thaïlande a connu un nouveau rebondissement vendredi lorsque des divisions ont éclaté au grand jour au sein de la coalition au pouvoir, empêchant la réélection du premier ministre Samak Sundaravej au Parlement.

Le report du vote à mercredi prochain et l'isolement croissant de M. Samak, 73 ans, ont toutes les raisons de satisfaire les milliers de manifestants qui le défient depuis le 26 août en campant devant ses bureaux à Bangkok.

Les députés de la coalition au pouvoir, qui étaient censés reconduire M. Samak dans ses fonctions malgré une décision judiciaire défavorable, ne se sont pas présentés vendredi à une séance de vote, à laquelle ont participé seulement 161 des 470 parlementaires de la chambre basse.

Les députés présents appartenaient tous au Parti démocrate (opposition) et le boycottage de la séance, organisé par d'autres, y compris par des membres du parti majoritaire, a été interprété comme un nouveau camouflet pour le Premier ministre sortant.

Somchai Wongsawat, Premier ministre par intérim et leader adjoint du Parti du pouvoir du peuple (PPP) de M. Samak, a cherché à minimiser l'absence de quorum vendredi, alors que, la veille, la majorité des parlementaires du PPP s'était prononcée en faveur de la réélection de M. Samak qui avait lui-même accepté ce nouveau mandat.

«Je ne peux pas dire s'il y aura un changement dans le nom du candidat. Cela dépend des consultations entre les partis politiques», a déclaré M. Somchai.

Deux autres formations de la coalition au pouvoir ont exprimé ouvertement des réserves sur M. Samak, contraint de démissionner mardi par la Cour constitutionnelle après avoir été reconnu coupable d'avoir accepté de l'argent d'une entreprise privée produisant ses émissions culinaires à la télévision.

Le PPP, qui contrôle 223 sièges au Parlement, apparaît de plus en plus divisé sur la question de maintenir ou non sa candidature et une faction a estimé que le premier ministre sortant --dont «les contributions ont été significatives»-- n'était plus l'homme de la situation.

Les cinq autres formations de la coalition totalisent 83 députés. L'une d'elles, Chart Thai (34 sièges), a dit, après la séance avortée de vendredi, qu'elle donnait encore «une chance» au PPP pour trouver un autre candidat.

Mardi, la Cour constitutionnelle n'avait pas exclu M. Samak de la scène politique et rien ne l'empêchait de se représenter.

Mais le premier ministre sortant a été considérablement affaibli par l'occupation du siège du gouvernement à Bangkok où étaient encore retranchés vendredi quelque 3000 manifestants légitimistes répondant à l'appel de «l'Alliance du peuple pour la démocratie» (PAD).

Des analystes ont estimé que la coalition au pouvoir n'avait d'autre choix que de s'entendre sur un autre candidat. «Le vent tourne contre Samak et le réélire ne ferait qu'intensifier cette politique de la corde raide avec la PAD», a jugé le commentateur politique Thitinan Pongsudhirak.

«Le problème du PPP, c'est qu'il n'a personne d'autre de la carrure de Samak pour tenir tête à la PAD», a-t-il ajouté.

Jeudi, le commandant-en-chef de l'armée thaïlandaise, le général Anupong Paojinda, s'était prononcé, «à titre personnel», en faveur d'un gouvernement d'unité nationale, proposition lancée 48 heures plus tôt par l'opposition.

M. Samak était devenu Premier ministre en février dernier, à l'issue des premières élections législatives depuis le putsch de 2006 qui avait renversé l'ancien homme fort de la Thaïlande, Thaksin Shinawatra, réfugié en Grande-Bretagne à la suite d'accusations de corruption.

Selon la presse thaïlandaise, M. Thaksin, qui finance le PPP, a initialement soutenu la réélection de M. Samak.