«Là-bas, l'homme blanc a ce qu'il veut», a-t-il dit aux enquêteurs: un ex-fonctionnaire français de l'ONU est jugé depuis mardi à Paris pour le viol d'une vingtaine de mineures lorsqu'il était en poste en Centrafrique et République démocratique du Congo entre 1998 et 2004.

Didier Bourguet, 44 ans, doit répondre pendant trois jours de viols sur mineures de 15 ans, des accusations qu'il a niées à l'ouverture des débats, assurant que les jeunes filles étaient consentantes.

Les faits auraient eu lieu en République centrafricaine entre 1998 et 2000, puis de 2000 à 2004 en RDC où ce titulaire d'un diplôme de mécanicien automobile entretenait les véhicules de la mission de maintien de la paix des Nations Unies (Monuc).

Didier Bourguet est également accusé de corruption de mineures et d'avoir détenu dans le disque dur de son ordinateur 250 images pornographiques, certaines provenant de son propre appareil numérique.

Il encourt vingt ans de réclusion.

Arrêté fin 2005 à Goma, dans l'est de la RDC, il avait été rapidement remis aux autorités françaises, avant d'être placé en détention provisoire.

À une policière chargée de l'interroger dès son interpellation à l'aéroport, il avait confié des actes sexuels avec «environ 24» filles de 12 à 18 ans, payées chaque fois «10 à 20 dollars», a témoigné à la barre cette enquêtrice, Nathalie Freund.

Didier Bourguet, décrit comme un «obsédé sexuel» dans des dépositions, n'a pas exprimé de remords, indique la policière, à qui il a livré moult détails sur les rencontres - via des intermédiaires eux aussi rémunérés -, les tarifs ou même les prénoms.

«Pourquoi des relations avec des mineures et pas avec des prostituées?», interroge le président, Jean-Pierre Getti.

«Il disait que les prostituées savaient simuler alors que les mineures vivaient l'acte pleinement», répond Mme Freund.

Le violeur présumé lui a aussi confié, ajoute-t-elle, sa satisfaction d'être enfin interpellé, car il voulait se soigner, s'inquiétant d'être attiré par des Africaines de plus en plus jeunes. «Là-bas l'esprit colonial persiste, l'homme blanc a ce qu'il veut», a-t-il justifié dans ses dépositions aux enquêteurs.

Devant le tribunal, l'accusé affirme qu'il demandait systématiquement aux mineures leur consentement préalable. Aucune n'a dit «non», assure-t-il.

«Ce que j'ai réalisé après, c'est qu'elles avaient pu subir des pressions pour un intérêt financier (...). J'avais perdu la notion des réalités», admet-il, quand le président relève le «décalage» entre sa situation d'expatrié aux 2.600 dollars mensuels, et celle de ces jeunes filles pauvres.

Une victime présumée, qui a permis son arrestation à Goma, raconte ensuite comment elle aurait été abusée après s'être vu administrer «une tasse de thé» lui ayant provoqué «comme un vertige».

Accusé d'avoir exigé une fellation de cette jeune Congolaise - aujourd'hui âgée de 16 ans et réfugiée au Canada -, Didier Bourguet a nié vigoureusement.

Au cours de l'instruction, il avait plaidé la thèse du «traquenard» tendu par les proches de l'adolescente, qui l'auraient incitée à coucher avec lui avant de tenter de monnayer leur silence.

Me Emmanuel Daoud, l'avocate de la jeune fille --la seule à témoigner à ce procès-- avait estimé lundi que ce procès était «emblématique», rappelant qu'entre 15 000 à 20 000 viols seraient commis par an en RDC par des militaires, des rebelles, mais aussi parfois des personnels de la Monuc.