Haïti comptait ses morts samedi, après le passage des puissants ouragans Gustav et Hanna, et l'aide internationale se renforçait sur place alors que l'ouragan Ike pourrait encore déverser des trombes d'eau sur l'île d'ici quelques jours.

Cinq jours après le passage de la tempête tropicale Hanna, Haïti n'en finit pas de compter ses morts. L'ONU estime qu'au moins 500 personnes ont été tuées par les intempéries et que le bilan augmente «d'heure en heure». Dans ce pays parmi les plus pauvres de la planète, plus de 250 000 personnes ont toujours un urgent besoin d'aide au moment même où une nouvelle tempête menace la région.

Hier, le survol de la côte nord-est du pays en avion par des équipes de journalistes a donné une idée très nette des dégâts: des rivières couleur de boue, sorties de leur lit pour déborder sur des villages entiers, labouraient le paysage de larges coulées beiges. Dans les zones sinistrées du pays, particulièrement sujet aux inondations et glissements de terrain en raison d'une large déforestation, seuls les toits émergeaient d'immenses nappes de boue.

La situation est «catastrophique» aux Gonaïves, a décrit hier le sénateur Yuri Latortue, représentant de cette ville portuaire, où la tempête tropicale Jeanne a déjà fait 3000 morts en 2004. «Il faut de l'eau potable et de la nourriture, il n'y a aucun stock aux Gonaïves, tout a été détruit par les inondations», a renchéri une porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU. Les réservoirs publics d'eau potable ont été inondés et devront être désinfectés. Le risque d'épidémie est des plus élevé.

En entrevue avec La Presse, le coordonnateur des activités de la Croix-Rouge internationale, Jean-Pierre Taschereau, a indiqué que des milliers d'hectares de récoltes ont été détruits par les pluies dans la région des Gonaïves, considérée comme le grenier d'Haïti. Les conséquences de ces inondations s'annoncent donc désastreuses. «Après avoir assuré la survie des sinistrés, il faudra penser à distribuer des semences si on ne veut pas assister à de nouvelles tensions sociales», a dit M. Taschereau. Après une brusque envolée des prix des produits alimentaires, Haïti avait connu de violentes émeutes au début du mois d'avril. Ce sont ces problèmes d'insécurité alimentaire qui ont contribué à faire tomber le dernier gouvernement.

Léger baume

Les efforts des travailleurs humanitaires ont néanmoins été récompensés hier alors que les premiers secours ont enfin pu atteindre des sinistrés à la suite du passage de Hanna. Un navire affrété par le Programme alimentaire mondial a déchargé aux Gonaïves de l'eau potable, du riz et 16 tonnes de biscuits à haute teneur énergétique. Jean-Pierre Taschereau a aussi indiqué que 1000 trousses d'urgence ont pu être distribuées à des familles sinistrées. «Il y a encore beaucoup de colère, de tristesse et de désespoir», a-t-il toutefois nuancé. La population voudrait voir les secours arriver plus rapidement et plus abondamment. Deux camions d'aide humanitaire ont été pillés, a dit M. Taschereau: «C'est dommage, car la sécurité des travailleurs humanitaires pourrait être compromise.»

Tout indique que le calvaire d'Haïti est loin d'être terminé: l'ouragan Ike, jugé «extrêmement dangereux», devrait passer aux abords de l'île ce matin. Sur les radios haïtiennes, des messages d'alerte ont passé en boucle hier pour mettre en garde la population contre l'arrivée imminente de cette nouvelle tempête. Le nord du pays, où se trouve la ville des Gonaïves, était expressément visé par une «alerte rouge».

Un avertissement similaire a aussi été lancé pour les provinces orientales de Cuba, que la tempête doit frapper ce soir avec des vents de 215 km/h. Ike doit ensuite remonter vers le sud des États-Unis, où, s'il ne perd pas de son intensité entre-temps, il pourrait causer des dommages similaires à ceux provoqués par Andrew en 1992, a estimé hier le Centre américain des ouragans.

Avec AFP, AP et Le Monde