La Russie a encore envoyé des signaux contradictoires en Géorgie mardi en semblant entamer le retrait de la ville de Gori et en acceptant un échange de prisonniers de guerre, tandis que ses forces capturaient de nouveaux soldats géorgiens et réquisitionnaient des blindés américains à Poti, sur la mer Noire.

Les 26 chefs de la diplomatie de l'OTAN réunis à Bruxelles ont de nouveau exigé le retour des troupes russes à leurs positions d'avant le début des combats en Ossétie du Sud le 7 août, conformément au cessez-le-feu signé par Tbilissi et Moscou en fin de semaine dernière. L'Alliance atlantique «ne peut pas faire comme si de rien n'était» avec la Russie dans les circonstances actuelles, ont-ils prévenu.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a répliqué en accusant l'OTAN de mener une politique anti-russe et de soutenir l'agresseur géorgien. Il a réaffirmé que Moscou n'occupait pas la Géorgie et n'envisageait pas d'annexer les régions séparatistes géorgiennes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie.

Le président russe Dimitri Medvedev «a annoncé au président Sarkozy que le retrait des troupes russes sera achevé les 21 et 22 août, à l'exception d'un effectif de 500 personnels chargés de la mise en oeuvre des mesures additionnelles de sécurité prévues par l'article 5 de l'accord du 12 août», selon un communiqué conjoint publié par Paris et Moscou mardi soir.

Pourtant sur le terrain, les forces russes entretenaient la confusion. À Poti, principal port pétrolier de Géorgie, la Russie a une nouvelle fois fait étalage de sa supériorité militaire. Les troupes ont bloqué l'accès aux ports naval et commercial de la ville (ouest) dans la matinée, puis remorqué hors de vue le vaisseau porte-missile «Dioskouria», l'un des bâtiments de pointe de la marine géorgienne. Une forte explosion a retenti quelques minutes plus tard.

Plusieurs heures après, un photographe de l'Associated Press a vu des blindés russes quitter le port en emmenant une vingtaine d'hommes menottés et les yeux bandés, des soldats géorgiens, selon le porte-parole du port. Les Russes ont aussi réquisitionné quatre véhicules blindés Humvee qui attendaient leur rapatriement vers les États-Unis après des exercices militaires américano-géorgiens.

Le général russe Anatoli Nogovitsine, chef d'état-major adjoint, a déclaré que les troupes resteraient à Poti jusqu'à la formation d'une administration locale. Il n'a pas fourni plus de précisions. D'après lui, les soldats géorgiens faits prisonniers «agissaient sans commandement».

Des responsables du port ont affirmé que les soldats russes postés dans et autour de Poti depuis plusieurs jours avaient détruit le radar, des bateaux et d'autres équipements des garde-côtes. Le ministre géorgien des Finances, Nika Guilavri, a accusé les forces russes de ralentir l'acheminement de l'aide alimentaire à Poti.

Non loin de là, plus dans les terres, l'armée russe s'activait autour de la base militaire de Sénaki. Trois violentes explosions ont apparemment détruit la piste d'atterrissage du site lundi soir.

Les troupes et chars russes contrôlent une bonne partie du territoire géorgien depuis plusieurs jours, et notamment la principale route est-ouest qui passe par Gori, dans le centre, au nord-ouest de la capitale Tbilissi. C'est de ce côté qu'a semblé s'amorcer un retrait mardi.

Une colonne de chars et blindés russes a quitté cette ville stratégique en direction, selon le colonel russe Igor Konochenkov, de l'Ossétie du Sud et, dans un délai non précisé, de la Russie. Le convoi a effectivement passé le village de Rouissi, sur la route pour l'Ossétie du Sud.

Autre signe encourageant, la Russie a donné son feu vert à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour l'envoi immédiat de 20 observateurs militaires internationaux supplémentaires en Ossétie du Sud et alentour. L'OSCE voudrait déployer jusqu'à 100 observateurs pour au moins six mois dans la province séparatiste, alors qu'elle n'en possède que huit pour l'heure, sur un total de 200 postés en Géorgie.

La Russie et la Géorgie ont par ailleurs échangé 20 prisonniers de guerre à Igoeti, position russe la plus avancée vers la capitale. Le chef du Conseil de sécurité géorgien Alexandre Lomaïa a déclaré que l'opération portait sur 15 Géorgiens et cinq Russes, et que les forces russes n'avaient plus de prétexte pour rester à Igoeti, située à 50km à l'ouest de Tbilissi, ou ailleurs sur la seule grande route est-ouest.

Près d'Igoeti, des soldats russes démantelaient un point de contrôle improvisé mais ne semblaient pas sur le point de partir. À 200m de là, la police géorgienne tenait son propre point de contrôle. Les policiers ont refoulé quelques étudiants armés de drapeaux géorgiens et banderoles anti-russes qui marchaient vers le poste russe.

Le général Nogovitsine a affirmé mardi que les troupes se retireraient jusqu'en Ossétie du Sud et à la zone de sécurité définie dans l'accord de 1999, mais qu'elles érigeraient des postes de contrôle supplémentaires dans «la zone de conflit». Selon les documents gouvernementaux géorgiens, la zone de 1999 s'étend autour de l'Ossétie du Sud sur 7km en Géorgie.

Cette situation confuse n'est pas pour rassurer les quelque 158 000 déplacés recensés par le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Antonio Guterres, qui dirige l'agence, est arrivé mardi à Tbilissi pour insister sur la protection des dizaines de milliers de réfugiés d'Ossétie du Sud. Dans cette zone désormais sous contrôle russe, les organisations humanitaires n'ont pas accès aux civils.