L'émergence d'un gouvernement d'union nationale équilibré au Zimbabwe paraît très improbable après l'échec des chefs d'État et de gouvernement d'Afrique australe à accorder ce week-end les deux parties sur le coeur du problème: le contrôle de l'exécutif.

Pour qu'un accord équitable puisse voir le jour, la pression régionale va devoir porter sur le chef d'État Robert Mugabe, réélu fin juin lors d'un scrutin où il était seul en lice après un déchaînement de violences contre l'opposition. Ce que les pays d'Afrique australe ont toujours rechigné à faire.

«La pression que les dirigeants régionaux exercent sur lui spécifiquement ne paraît pas suffisante pour qu'il lâche un peu de pouvoir», relève Olmo von Meijenfeldt, de l'Institut pour la démocratie en Afrique australe (Idasa) à Pretoria.

Le plus âgé des chefs d'État d'Afrique, 84 ans dont 28 au pouvoir, «a manifestement choisi la ligne dure, comme il l'a toujours fait», ajoute l'analyste. «Je le vois surtout très mal céder le contrôle de l'appareil sécuritaire».

C'est là le noeud du problème, acquiesce Aubrey Matshiqi, du Centre d'études politique en Afrique du Sud.

«La question est de savoir si la décision est vraiment entre les mains de Mugabe», estime-t-il. «Qui a le pouvoir de veto ? Un des obstacles n'est pas tellement Mugabe lui-même mais l'attitude du Commandement opérationnel conjoint (JOC)», le puissant organe qui réunit les chefs d'état-major de l'armée, la police et les services secrets.

Si elle veut un accord, la région va «devoir prendre en compte l'équilibre des forces» entre la présidence et le JOC, souligne M. Matshiqi, car le régime dépend de sa capacité de répression.

Après la déroute historique du pouvoir aux élections générales du 29 mars, qui ont vu le Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition) renverser la majorité parlementaire et son leader Morgan Tsvangirai arriver en tête du premier tour de la présidentielle, M. Mugabe a semblé un instant prêt à s'incliner.

Mais «des rumeurs persistantes indiquent que le JOC l'en a empêché», rappelle l'analyste. Si le MDC n'a pas pris le pouvoir à ce moment-là, c'est parce que «le JOC a été en mesure d'imposer un climat répressif» qui a contraint M. Tsvangirai à se retirer de la course à la présidentielle.

En outre, le parti au pouvoir, l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front-patriotique (Zanu-PF), directement issue de la lutte armée contre le régime ségrégationniste blanc de Ian Smith, est une organisation de culture militaire, «habituée à conquérir et à ne rien céder», remarque Eldred Masungure, professeur de sciences politiques à l'Université du Zimbabwe.

En face, M. Tsvangirai refuse tout accord qui ne reflèterait pas «la volonté du peuple» exprimée le 29 mars. «Il veut un vrai pouvoir, pas un geste symbolique», poursuit le chercheur.

L'opposant a pour lui un argument de poids, celui de l'aide internationale massive sans laquelle le Zimbabwe n'a aucune chance de s'extraire du marasme économique dans lequel il est englué.

«Mugabe pourrait concéder un peu de pouvoir à Tsvangirai afin de bénéficier d'une injection du Fond monétaire international et de la Banque mondiale», estime l'analyste zimbabwéen indépendant Takavira Zhou.

Pour la plupart des analystes, une forme d'accord est inévitable à terme. «Il va y avoir une immense pression sur les deux parties», relève M. Masungure. Le tout est de savoir lequel des deux protagonistes «aura le premier moment de faiblesse».