La Russie semblait de plus en plus isolée sur la scène internationale jeudi, deux jours après avoir reconnu l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. À quatre jours de la réunion extraordinaire du Conseil européen sur la crise en Géorgie, la France a évoqué la possibilité de sanctions contre Moscou, que ses partenaires d'Asie centrale ont refusé de soutenir dans sa démarche. Tbilissi a, de son côté, accusé clairement les forces russes de nettoyage ethnique dans les provinces séparatistes.

«Des sanctions sont envisagées (...) et bien d'autres moyens», a déclaré le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner à l'occasion de la conférence des ambassadeurs à Paris. «Certains pays ont déjà demandé que les sanctions soient avancées. C'est dans la discussion lundi», a-t-il ajouté, en référence au sommet européen convoqué à Bruxelles par Nicolas Sarkozy, en tant que président en exercice de l'Union européenne ce semestre.

«C'est la première fois que j'entends parler de ces sanctions», lui a répondu son homologue russe Sergueï Lavrov, glissant au passage que M. Kouchner «dit beaucoup de choses».

L'Union européenne a unanimement condamné la riposte russe, jugée disproportionnée, à l'offensive militaire géorgienne du 7 août pour prendre le contrôle de l'Ossétie du Sud séparatiste, et les Vingt-Sept ont de même dénoncé le maintien de forces russes en Géorgie, ainsi que la reconnaissance par Moscou de l'indépendance des provinces géorgiennes d'Abkhazie (nord-ouest) et d'Ossétie du Sud (nord). Mais l'Union est en revanche apparue divisée sur un axe Est-Ouest quant à la réponse à apporter à la démonstration de force du Kremlin.

Face à son isolement grandissant vis-à-vis de l'Occident, la Russie espérait obtenir le soutien de l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS), réunie jeudi à Douchanbé (Tadjikistan). Mais l'OCS (qui rassemble la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan en plus de la Russie) a dénoncé l'emploi de la force par Moscou et appelé au respect de l'intégrité territoriale de chaque pays.

«Les participants (...) soulignent la nécessité du respect des traditions historiques et culturelles de chaque pays et peuple, et des efforts visant à préserver l'unité de l'Etat et de son intégrité territoriale», a déclaré l'OCS dans un communiqué. «Le recours exclusif à la force n'ouvre pas de perspectives et fait obstacle à un règlement complet des conflits locaux».

Les partenaires d'Asie centrale de la Russie ont toutefois salué «l'adoption par Moscou le 12 août 2008 des six principes de résolution du conflit en Ossétie du Sud et (ont soutenu) le rôle actif de la Russie dans la promotion de la paix et de la coopération dans la région concernée».

C'est dans ce contexte d'isolement diplomatique de la Russie que le Premier ministre et ex-président russe Vladimir Poutine a dit jeudi soupçonner Washington d'avoir encouragé la Géorgie à attaquer l'Ossétie du Sud, suggérant que le conflit pouvait avoir un rapport avec l'élection présidentielle aux Etats-Unis.

De son côté, la Géorgie a accusé Moscou et les forces armées d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie de nettoyage ethnique dans les provinces séparatistes.

Devant des journalistes réunis au siège de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne, la ministre géorgienne des Affaires étrangères Eka Tkechelachvili a affirmé que le nettoyage ethnique ne s'était pas seulement produit dans les villages des provinces, mais au sein de la zone tampon installée par les forces russes au-delà des frontières de ces régions.

«Nous pouvons maintenant dire avec confiance que dans les deux régions -Abkhazie et Ossétie du Sud- le nettoyage ethnique est achevé», a déclaré Eka Tkechelachvili. «Ils ont expulsé des villages tous ce qui restait de la population géorgienne -ils ont détruit leurs maisons, ils ont pillé leurs biens, ils ont brûlé leurs champs, leurs forêts.»

Bernard Kouchner avait évoqué mercredi «des preuves que les armées poussent devant elles les Ossètes (...) favorables à la Géorgie», confirmant que «d'une certaine façon, il se produit un nettoyage ethnique».